Un amour qui s’étiole
Traduction de Bernard Michel.
Avec Un amour qui s’étiole, René Vázquez Díaz achève superbement sa trilogie consacrée à Cuba, et confirme sa capacité à créer des personnages et des situations inoubliables. Des femmes rebelles, indomptables, délicieuses. Des chats étranges descendant tout droit d’une lignée humaine. Des homosexuels libertaires défendant leur propre espace. Des déments qui portent en eux l’imaginaire de la mémoire collective cubaine. Le jeune héros de ce roman est un individualiste forcené, dangereux, affairé et fourbe… Mais il est aussi douloureusement lucide, vulnérable et sensuel jusqu’à la délicatesse. Sa recherche est celle du désespéré qui veut trouver une image qui rende impossible l’oubli ; son image est celle de celui qui doute de tout, y compris de ses propres qualités. Oracio n’accepte pas les vérités absolues ni les mensonges relatifs. Son malheur est de vouloir tuer son père et d’aimer toutes les femmes. En un mot, il est fou. Mais dans sa belle folie palpitent les rêves, la nostalgie, l’extravagance, les frustrations et le charme du malheureux mais admirable peuple cubain. Avec une langue imaginative et raffinée, mais à la fois violente et osée, Vázquez Díaz tisse définitivement les fils littéraires de L’ère imaginaire et de L’île du Cundeamor, et nous entraîne dans un labyrinthe d’intrigues mystérieuses qui dissimulent toujours le double sens – et le dénouement inattendu – des images d’une portée universelle : les contradictions entre l’individu et la collectivité, la fugacité de toute entreprise humaine, l’angoisse d’être ce que l’on est et pas autre chose, le courant inexorable de l’Histoire entraînant les peuples, et, le marquant totalement de son empreinte de jouissance et de douleur, les possibilités (ou l’impossibilité) de l’amour. On a écrit que René Vázquez Díaz est « un loup solitaire, réfugié dans le nord de l’Europe ». Ce roman est un bel exorcisme à l’encontre même du concept de solitude.
Presse et librairies
Avec une force peu commune, René Vázquez Díaz clôt sa trilogie cubaine. On peut aborder sans mal cet ensemble par le dernier pôle. Voici l’histoire d’un fou qui en se racontant, laisse entrevoir une Cuba déchirée entre plusieurs générations.
Benoît Broyart, Ce qu’être humain veut dire, Le Matricule des Anges N°44, mai-juillet 2003
René Vázquez Díaz se moque bien du soleil des tropiques. C’est la lune maléfique au-dessus de Cuba qui l’intéresse, et tous les lunatiques qu’elle patronne : ceux qui décomptent en boucle les mots de l’hymne national, qui partent en cavale vacciner gratuitement le peuple contre « la pénurie », « le découragement » et « la luxure » et causent aux affiches de Fidel Castro. Bref, tous ces originaux que les gens sains aimeraient guérir « contre leur volonté ».
Fabienne Dumontet, Le Monde, 9 mai 2003