Portraits d’Antonio Saura

Traduction de Albert Bensoussan.

Janvier 1998

120 pages

Ibériques

978-2-7143-0649-4

15.45 €

Portraits d’Antonio Saura forme un diptyque avec Monstruaire. Quoiqu’Antonio Saura, reconnu comme l’un des peintres espagnols les plus importants du XXe siècle, soit aux antipodes de Mons, tant biographiquement que stylistiquement, il partage avec l’artiste de fiction extrémiste la fascination pour le monstrueux, dans tous ses aspects, et en donne dans ce portrait pluriel une preuve indiscutable.

Ríos maintient depuis plus de vingt ans avec Saura une complicité créative qui s’est traduite dans de multiples textes pour des catalogues d’expositions et des publications diverses, dans un film, dans plusieurs éditions illustrées et de bibliophilie, parmi lesquelles une édition illustrée de Larva, dans le livre Les Tentations d’Antonio Saura, qui parcourt de façon presque chronologique l’œuvre du peintre aragonais ; et enfin dans ce dernier Portraits d’Antonio Saura, ouvrage biographique, série de tableaux ou portraits d’époque, de différentes époques, qui fixent des moments déterminés d’une vie et d’une œuvre. Ríos écrit d’une certaine façon le roman de l’artiste depuis ses débuts jusqu’au seuil de la vieillesse ; il suit les vicissitudes et incertitudes d’une vie et d’une époque cruelles et difficiles parfois, depuis l’enfance durant la guerre civile espagnole et la pénible mais féconde période d’alitement, de 13 à 17 ans, à cause d’une tuberculose osseuse, jusqu’aux années de formation et de recherche de liberté, de la découverte à Paris du surréalisme, de la fondation en Espagne du groupe El Paso, qui ouvrait de nouveaux espaces à l’art espagnol, pour aboutir à l’élaboration et l’affirmation d’une œuvre pleine de rigueur, malgré des circonstances qui ne furent pas toujours favorables et de douloureux revers, comme la mort de deux filles, et, il y a quelques mois, l’hospitalisation dans un hôpital madrilène suite à une leucémie.

Portraits d’Antonio Saura est le portrait à la fois d’une personnalité et d’une œuvre puissantes.

Julián Ríos

Voici l’un des très grands écrivains contemporains de langue espagnole.

Julián Ríos (Galice, 1941) dirige des collections littéraires, appartient au conseil de rédaction de plusieurs revues et collabore, comme narrateur et essayiste, à de nombreuses publications européennes et américaines. D’abord salué par ses pairs, Octavio Páz, Carlos Fuentes, Juan Goytisolo, G. Gabrera Infante…, il est désormais reconnu internationalement. La très vénérable Encyclopaedia Britannica le définit déjà comme un classique postmoderne : “Sans doute la prose espagnole la plus tumultueusement originale du siècle”. Par l’audace, l’ambition et la diversité de sa démarche, “Ríos Grande”, comme le nommait The Guardian de Londres, se rapproche en effet moins de ses contemporains espagnols que de certains glorieux prédécesseurs : la trinité fondatrice qu’il revendique, Rabelais, Cervantès, Sterne, ainsi que d’autres grands joueurs de notre modernité, Pound, Pessoa, Calvino, Schmidt, Pérec ou Joyce dont il est un grand connaisseur.

Romancier, essayiste et critique d’art, Julián Ríos s’est d’abord fait connaître en 1973 par Solo a dos voces, cosigné avec Octavio Paz (traduit chez Ramsay en 1991). À partir de cette date, il a travaillé à son roman-fleuve ou “novela-ríos”, Larva, un cycle de fictions autonomes bien que communicantes. La sortie du premier titre du cycle, Larva, Babel d’une nuit de la Saint-Jean (1984), un volumineux volume de 600 pages, constitua un événement majeur salué par de grands écrivains de différents pays et reconnu par la critique internationale, depuis El País, de Madrid (“L’entreprise narrative la plus explosive, démesurée et ambitieuse des dernières décades”) ou Quimera, de Barcelone (“Exploit narratif et linguistique qui découvre de nouveaux territoires à la langue espagnole”) jusqu’au Frankfurter Algemeine Zeitung (“Année après année,  Julián Ríos construit un roman monumental, Larva, seulement comparable dans son ambition à l’œuvre de James Joyce.”) ; depuis The Observer, de Londres (“Un étonnant hommage à ses semblables, Rabelais, Sterne et spécialement Joyce.”) ou le Japan Times, de Tokyo (“Le plus grand événement culturel de l’ère postfranquiste.”) jusqu’au Choice, de New York (“Ríos prolonge les techniques narratives des Mille et une nuits, Laurence Sterne, James Joyce”), et d’autres publications américaines qui ont salué la traduction de Larva. À cette occasion, The San Francisco Chronicle écrit : “L’un des livres les plus splendides et intelligemment novateurs depuis que Leopold Bloom vagabonda dans les rues de Dublin, une pomme de terre dans la poche.”

Au moment de la sortie très attendue de Larva en Espagne, Libération reconnaissait : “L’une des grandes aventures postmodernes de l’écriture. Une langue castillane haute comme une tour de Babel.” Et à la question “Pourquoi écrivez-vous ?, posée par le même journal à des écrivains du monde entier, Ríos répondait : “Pour moi, écrire, c’est escrivivir. Je crois que ce mot-valise qui contient et fusionne écrire (escribir) et vivre (vivir), et qui a été inventé par le personnage principal de mon roman Larva, permet de donner une explication personnelle de ma raison d’écrire. Ce qui est sûr, c’est qu’écrire est pour moi un art de vivre, plus vrai que nature, une manière de vivre plus intensément.”

Depuis lors, cet illusionniste des mots a multiplié les défis. Son œuvre protéique forme des cycles empruntant chacun des chemins très différents. Chez lui alternent en effet œuvres de pure fiction et de critique-fiction, ou encore “romans peints”. La complicité créatrice qu’il entretient avec des peintres de diverses nationalités (Roy Lichtenstein, Antonio Saura, Eduardo Arroyo, R.B. Kitaj…) s’est faite verbe et  images, dans plusieurs œuvres, dont Ulysse illustré (1991) réalisé en collaboration avec le peintre Eduardo Arroyo. Nous proposons de découvrir en 1994 Poundemonium et Chapeaux pour Alice, en 1995 Larva et La vie sexuelle des mots, en 1996 Album de Babel, puis en 1998 Monstruaire et Portraits d’Antonio Saura.

Comme le soulignait Jean-Gabriel Cosculluela dans La Main de Singe : “Avec Julián Ríos, le territoire de la langue n’est plus sourd aux autres langues ; son écriture, d’une extrême intensité, propose une mosaïque de mots cassants la solitude et les limites de la langue, une mise en jeu totale où de part en part la prodigieuse intelligence du texte est traversée par un rire où résonnent ceux de Joyce, Guimarães Rosa et Arno Schmidt. Sans pour autant jamais renoncer à la narration, à l’exemple de Calvino.” Et l’auteur précisait récemment dans une interview : “Ma contrainte majeure, c’est l’histoire que je dois raconter. Je préfère sacrifier n’importe quel jeu de mots : l’histoire ne doit jamais se perdre, même sous sa forme anecdotique. Celle-ci doit toujours tenir sous l’explosion verbale. C’est pourquoi il faut, comme une écuyère, chevaucher deux chevaux à la fois, le cheval de l’anecdote, de l’histoire qui doit courir à travers les pages, et le cheval de la langue, qui fait avancer l’histoire.” En savoir plus.