Pasteur Ephraïm Magnus

Traduit de l'allemand par René Radrizzani

Mars 1999

232 pages

Littérature étrangère

978-2-7143-0493-3

15.45 €

La lecture puis la mise en scène de Pasteur Ephraïm Magnus suscitèrent, à travers toute l’Allemagne, une véritable polémique. « Le public fut stupéfait, révolté, des batailles s’ensuivirent », écrit Hans Erich Nossack, ami de Jahnn et l’un des rares à l’avoir soutenu, « et la critique quotidienne contribua, aussi bien par son manque de proportions habituel que par ses grossièretés hargneuses, à donner à Jahnn le cachet de l’auteur dévoyé, perverti, se vautrant dans la fange, auteur que le grand public n’avait point à tolérer. »

Mais comment imaginer que ce théâtre profondément tragique fût destiné au grand public ? - et particulièrement cette première pièce dont Alfred Döblin disait, en 1923, que rien de plus fort, de plus vécu, à part les œuvres de Strinberg, n’avait été formulé sur la scène contemporaine : « On ne peut comprendre Jahnn à partir d’un système dogmatique », écrivait encore H.E. Nossack. « Jahnn est le poète de cette réalité disharmonieuse. Il est le plus grand, peut-être le seul réaliste de cette époque. A ne pas confondre avec ceux qui se nomment réalistes et ne sont que des chronigueurs de l’actualité. Or rien n’est plus irréel que l’actuel, ni plus stérile, ni plus vénal. » Car il ne semble pas que l’ambition de Jahnn ait été simplement de choquer un public bourgeois qu’auraient déconcerté sa franchise et ses audaces : « Jahnn a (…) atteint des strates qui n’avaient jamais auparavant trouvé leur expression imagée, verbale, dans la littérature allemande », ajoutait à son sujet Peter Huchel en 1960. « (…) Et il faut remonter aux anciens Égyptiens et Grecs pour trouver une telle conception mythique de la nature », et de l’homme dans l’Univers.

La pièce débute par un des plus grands monologues de la littérature dramatique selon Brecht : les lamentations désespérées du vieux Magnus, moribond. Hantés par cette mort, ses trois enfants, Jakob, EphraÏm et Johanna entreprennent une quête frénétique, recherche d’un absolu et d’un sens de la vie, provoquant Dieu et les conventions sociales. L’un des frères se lance dans une jouissance effrénée, jusque dans le sadisme sanguinaire. L’autre dans une ascèse allant jusqu’à la castration, la mise en croix. Les thèmes principaux de cette pièce, écrite en 1919 par un très jeune homme sont l’horreur fascinante de la souffrance, la décomposition, la mort et les affres de la chair, éros et sexe, ressenties avec une acuité impitoyable qui fait songer à Georges Bataille et à Artaud.

Hans Henny Jahnn

Hans Henny Jahnn, romancier, dramaturge et facteur d’orgues naquit à Hambourg-Stellingen. En 1915, il s’enfuit en Norvège avec son ami G. Harms pour éviter le recrutement. C’est là qu’il écrivit Ugrino et Ingrabanie, fragment inachevé (parution 1994), et Pastor Ephraïm Magnus, pièce qui obtint en 1920 le prix Kleist (parution octobre 1993). En savoir plus.

Presse et librairies

Pasteur Ephraïm Magnus est un mystère blasphématoire auprès duquel pâlissent les drames de Strindberg et de Wedekind. L’Allemagne suffoqua d’horreur. Il y avait de quoi.

Marcel Schneider, Le Figaro Littéraire, 12 novembre 1993

La pièce Pasteur Ephraïm Magnus (1919) est la quête désespérée d’un moribond qui lance des imprécations contre les conventions sociales ou Dieu, avec un irrésistible attrait pour la morbidité, la souffrance, les avatars de l’amour, ses affres, l’obsédante idée de la décomposition des corps. On comprend que pareille création fascinait Brecht, qui remania l’œuvre pour la scène.

Claude-Henry du Bord, Études, décembre 1994