Les Cahiers de Gustav Anias Horn

Traduit de l'allemand par René Radrizzani et Huguette Radrizzani
Tome 1 des Cahiers :
Trente ans après le naufrage du Navire de bois, Gustav Anias Horn, le passager clandestin, entreprend d’écrire ce texte, la somme de son existence, à la fois journal intime et remémoration de son passé, une polyphonie où s’entrelacent trois plans temporels : le naufrage, le récit des trois décennies qui l’ont suivi, le présent où l’auteur note au jour le jour son angoisse grandissante devant la mort.
Les mystères qui entouraient le navire – une image des énigmes de l’existence humaine – sont au fur et à mesure partiellement élucidés, certains par d’ hypothèses ou illuminations fantasmatiques. Le naufrage et la mort d’Ellena ont brutalement arraché Anias à sa famille, à l’existence conventionnelle, bourgeoise, vers laquelle il semblait s’acheminer. Lié indissolublement avec l’assassin de sa fiancée, Alfred Tutein, il vit avec lui en hors-la-loi et ne retourne jamais dans sa patrie. Il rencontre, en Amérique du Sud, en Afrique, aux Canaries, des personnages inoubliables : le Chinois Ma-Fu, Egedi, le Plongeur, l’enfant Buyana (pour ne citer que quelques noms) et fait d’étranges expériences amoureuses. Il s’établit ensuite en Norvège, dans le village d’Urrlan puis à Halmberg, et finalement se retire dans la solitude de l’île de Fastaholm, où bientôt son ami mourra.
Un piano mécanique qu’Anias découvre dans un hôtel en Amérique lui révèle sa vocation de compositeur – ce qui nous vaut des pages étonnantes sur la création artistique. Tutein, d’abord devenu marchand de bétail, ne manifestera que plus tard ses dons exceptionnels de dessinateur. L’histoire d’Anias, de Tutein se réfère en permanence à celle de Gilgamesh et Enkidu – ce mythe plus ancien que l’Odyssée, plus ancien que le monde grec ; sans être calquée terme à terme sur les épisodes de l’épopée, elle en conserve la substance l’amitié de deux êtres dissemblables, hors du commun, affrontant ensemble l’aventure humaine, puis, séparés par la mort.
Tome 2 des Cahiers :
La mort de son compagnon de 24 ans, Alfred Tutein, fait basculer l’univers de Gustav. Le monde lui est devenu comme un rêve où ne se séparent plus vie et mort, et Gustav va tenter de renouer avec la tradition égyptienne en momifiant le cadavre d’Alfred.
Peu après le décès apparaît un nouvel adolescent qui ressemble à Tutein et parvient à se faire embaucher par Gustav, méfiant puis ébloui.
Il connaîtra un dernier printemps avant de s’apercevoir de la perfidie de ce reflet inversé de Tutein. Partagé entre l’envoie de se séparer de son témoin gênant et la peur des conséquences, Gustav sait qu’il marche vers son destin.
Presse et librairies
Jahnn accomplit le prodige de nous entraîner dans cet immense poème, au fil de cette écriture dont pas une ligne n’est banale, avec l’intérêt sans cesse renaissant que nous porterions à un roman policier bref et noué serré. Les descriptions de la mer gelée, de la neige, sont tellement merveilleuses que nous nous demandons si l’hiver a jamais été aussi intensément dépeint. L’immense pitié qui embrase le livre ne s’adresse pas qu’aux animaux, elle enveloppe toute la nature en perdition, les malheurs de l’homme frappé par ce nouveau fléau : la machine, qui s’est « rendu indépendante »…
Nicole Casanova, La Quinzaine Littéraire, 16/30 septembre 1997Je tiens Hans Henny Jahnn, sans réserve aucune, pour le plus grand prosateur de langue allemande.
Walter MuschgJahnn a ici atteint des strates qui n’avaient jamais auparavant trouvé leur expression imaginée, verbale, dans la littérature allemande. […] Et il faut remonter aux anciens Égyptiens et Grecs pour trouver une telle conception mythique de la nature.
Peter Huchel, Livre des amis, 1960Avec Thomas Mann et Robert Musil, il est le plus grand auteur épique de la première moitié de notre siècle.
Uwe Wolff