Lève bas-ventre

Traduction de Christophe Lamiot Enos.

Janvier 2013

80 pages

Série américaine

978-2-7143-1120-7

17 €

Un des plus grands plaisirs pris à traduire la poésie érotique, en anglais Lifting Belly, de Gertrude Stein, a consisté, pour moi, dans la formule de ce titre, précisément. Ou, moins mal dit, peut-être : dans la façon dont celui-ci m’a donné du fil à retordre — le fil de l’œuvre. Je n’ai pu décider d’une façon d’équivalent à « lifting belly ». Stein considère les mots et les groupes de mots à la façon de séquences sonores passant à l’oreille, se superposant parfois les unes les autres, partiellement ici, là tout à fait. L’élaboration de l’œuvre dépend directement des effets ainsi obtenus.

En fin de compte, Stein ne fait qu’évoquer par le menu le déroulement d’un entretien, sexuel, charnel et langagier qu’elle a avec sa compagne, Alice Toklas. C’est bien ce feu de l’action (amoureuse, d’un amour en acte), auquel le texte se rapporte — venant non pas seulement couronner celui-ci, à la manière, peut-être, de ce qui aurait su s’attirer, pour l’organiser à son tour, cette volonté de mots, de discours et de paroles qu’est l’œuvre, mais aussi, et plus certainement, relevant comment une formule elle-même (toute formule, peut-être) prend corps, se dessine dans une relation à ce qui convient et emporte l’adhésion. Si le français « lève bas-ventre » s’est finalement imposé à moi autant que je l’ai choisi, c’est parce que ma lecture de Lifting Belly (texte relativement bref), sur plus d’une année, a permis, petit à petit, de mettre en place un ordre de priorités quant aux principes de l’organisation interne du texte. Au fur et à mesure de ma prise de conscience de la dynamique qui porte celui-ci, dans le pas à pas et à tâtons de mon travail de transposition de son volume en langue française du commencement de notre XXIe siècle, s’est dégagé, tout d’abord, ce que Stein y entendait et que Stein y entendait (« entendait », dans le sens de « désirait » comme dans celui de « percevait par l’ouïe », ou ce qu’elle proposait à notre oreille).

Je n’aurais pas songé à ce travail qu’est ma proposition de ce que fut Lifting Belly en son temps, sans une longue expérience de lecture et de commentaire du chef-d’œuvre qu’est The Making Of Americans.

Entendre : « lifting belly », ventre qui se lève et matrice soulevante, « lift in belly », soulèvement intime, ascenseur utérin, « lift in belle, li- », soulèvement dans la belle et sur le point de recommencer encore, avec vue sur le sans cesse, « lift in, belle, -ly », mouvement intérieur et vers le haut, bellement, etc. : en tendre.

Christophe Lamiot Enos

Presse et librairies

Les éditions Corti redonnent donc à lire une des grandes figures de la littérature, de la peinture, de l’avant-garde artistique (la « collection Stein », de Matisse à Masson en passant par Picabia) et du féminisme lesbien, dans une très belle traduction de Christophe Lamiot Enos. Et une écriture dont la nouveauté provocante n’a pas perdu une ride.

Recours au Poème, 12 décembre 2013