La vie sexuelle des mots
Traduction de Geneviève Duchêne.
À cheval entre la fiction et l’essai ou chevauchant en équilibre sur les deux, ce livre inclassable de Julián Ríos inaugure un nouveau genre. Œuvre de « critique fiction » ou critique dialectique et commedia dell’arte, elle s’improvise et s’orchestre à travers les dialogues de trois personnages – une jeune lectrice, un lecteur averti et un vieux critique, sortis tous trois d’un songe de Larva – qui parcourent les galeries et rayons d’une fascinante bibliothèque pinacothèque de Babel. Comment une même œuvre apparaît-elle aux trois différentes étapes de la maturité critique ?
La Vie sexuelle des mots explore avec humour, aménité, érotisme mais aussi maestria verbale, les trois domaines qui constituent le centre créatif de l’œuvre de Julian Ríos — la littérature, les arts plastiques et la passion, dans toutes ses acceptions, pour les mots. Dans ces pages, ceux-ci font réellement l’amour, au pied de la lettre, et atteignent au climax dans la dernière partie, significativement intitulée « Voie principale », où plaisir charnel et plaisir verbal se mêlent, se confondent en une étreinte étroite.
Au fil des pages, nous croisons Joyce et compagnie, Juan Goytisolo, Arno Schmidt, Carlos Fuentes mais aussi Arroyo, Colomer, Saura ou Kitaj.
Il devient clair que la rhétorique est, en fin de compte, une érotique car toute écriture, toute parole est palimpseste : « pâle inceste ».
Poétique, ludique, lucide et ironique, le livre de Julian Ríos est une bouffée d’air frais dans le monde de la littérature de consommation. C’est aussi une pirouette et un jeu réservés à ceux qui savourent les fêtes de la langue.
Ríos fait sienne la sentence de Gombrich « Ce qui est vu dépend de ce que l’on sait ». Depuis le Cratyle de Platon, beaucoup d’écrivains ont cherché à répondre à la question du rapport entre les Mots et la Pensée ; Ríos nous livre ici in vivo le fruit de son expérience.