Éternités
Traduction de Bernard Sesé.
Beauté, connaissance, transcendance : le triple idéal qui oriente la vocation poétique de Juan Ramón Jiménez (1881–1958) est suggéré par la forme plurielle donnée à ce recueil, Éternités, publié en 1918. Après le Journal d’un poète nouveau marié et les Sonnets spirituels, parus en 1917, le poète a atteint la plénitude de sa puissance créatrice. Il s’y adonne avec ivresse : « Amour et poésie chaque jour », telle est désormais sa devise. Ordonner le chaos de l’univers, tout en préservant la part de mystère inéluctable qui le constitue, chanter d’un même élan la femme, la nature ou l’idée, advenir à plus d’être ou à plus de conscience par le pouvoir d’une parole neuve et maîtrisée, proférée comme celle d’un dieu créateur, telle est l’ambition de l’auteur de ce livre : « Mon âme doit refaire/ le monde comme mon âme ». Loin de la conception formaliste de l’art, à laquelle Jiménez avait sacrifié dans sa première époque, l’écriture s’applique, comme une ascèse, à la « poésie nue ». Les émotions, les tourments ou les émerveillements de l’esprit devant le prodige des choses ou des êtres s’expriment ici selon divers registres, de la méditation à la divagation, de l’humour léger à l’extase comblée : « Je vis libre, /au centre/de moi-même/M’entoure un moment/infini, avec tout-sans les noms/encore ou déjà-. Éternel !« Les échos multiples du monde extérieur, dans ces compositions, souvent d’une intense beauté, expriment ainsi, toujours, le même désir infini d’absolu : me mienne en douleur/ -éclats mystérieux !-/ de l’or dans l’ombre ! ». B. S.
Presse et librairies
On perçoit fort bien ici, à travers l’heureuse traduction de Bernard Sesé, l’avancée de l’auteur vers une poésie dépouillée de tout ornement et la persistance néanmoins, dans la réitération de l’apostrophe, des charmants refrains de sa première manière.
Jacques Fressard, La Quinzaine Littéraire, 1/15 juillet 2000C’est une œuvre dont l’économie, la rigueur sans concession avec le beau style, sont d’une étonnante actualité. Le mérite de Bernard Sesé réside précisément dans la restitution de cette tension entre la fluidité du style et la brièveté, le laconisme de l’expression qui ne tombe jamais dans la sécheresse, grâce à la manière dont la phrase se développe sur deux, trois ou parfois quatre vers, de manière naturelle et souple.
Europe, avril 2001