Éternités

Traduction de Bernard Sesé.

Janvier 2000

188 pages

Ibériques

978-2-7143-0720-0

16.25 €

Beauté, connaissance, transcendance : le triple idéal qui oriente la vocation poétique de Juan Ramón Jiménez (1881–1958) est suggéré par la forme plurielle donnée à ce recueil, Éternités, publié en 1918. Après le Journal d’un poète nouveau marié et les Sonnets spirituels, parus en 1917, le poète a atteint la plénitude de sa puissance créatrice. Il s’y adonne avec ivresse : « Amour et poésie chaque jour », telle est désormais sa devise. Ordonner le chaos de l’univers, tout en préservant la part de mystère inéluctable qui le constitue, chanter d’un même élan la femme, la nature ou l’idée, advenir à plus d’être ou à plus de conscience par le pouvoir d’une parole neuve et maîtrisée, proférée comme celle d’un dieu créateur, telle est l’ambition de l’auteur de ce livre : « Mon âme doit refaire/ le monde comme mon âme ». Loin de la conception formaliste de l’art, à laquelle Jiménez avait sacrifié dans sa première époque, l’écriture s’applique, comme une ascèse, à la « poésie nue ». Les émotions, les tourments ou les émerveillements de l’esprit devant le prodige des choses ou des êtres s’expriment ici selon divers registres, de la méditation à la divagation, de l’humour léger à l’extase comblée : « Je vis libre, /au centre/de moi-même/M’entoure un moment/infini, avec tout-sans les noms/encore ou déjà-. Éternel !«  Les échos multiples du monde extérieur, dans ces compositions, souvent d’une intense beauté, expriment ainsi, toujours, le même désir infini d’absolu : me mienne en douleur/ -éclats mystérieux !-/ de l’or dans l’ombre !  ». B. S.

Juan Ramón Jiménez

Juan Jamón Jiménez (Espagnol, Maguer, Huelva, 23 décembre 1881 – Porto Rico, 29 mai 1958) :

"Écrire n’est qu’une préparation pour ne plus écrire, pour l’état de grâce poétique, intellectuel ou sensitif. Devenir soi-même poésie, non plus poète.« J. R. Jiménez.

Extrait de La Poésie nue de Juan Ramón Jiménez par Patrick Kéchichian, Le Monde, 18 août 1989 :

De dix-huit ans l’aîné de Lorca et de six ans le cadet de son ami Machado, Juan Jamón Jiménez est né en décembre 1881 à Moguer, [“la blanche merveille”] petite ville andalouse de la province de Huelva. Son entrée dans l’âge adulte est marquée par la mort subite du père – le poète a dix-neuf ans.

De ce deuil, il conservera sa vie durant une extrême fragilité, un tempérament angoissé et mélancolique, prompt au retrait et à l’isolement. En ces premières années du siècle cependant, Jiménez déploie une activité créatrice intense qui ne tarde pas à faire de lui l’un des écrivains les plus en vue de la capitale espagnole. Helios, la revue qu’il fonde en 1903, défend l’esthétique moderniste, illustrée notemment par Rubén Darío. En 1916, il se marie à New York avec Zenobia et revient à Madrid.

Son œuvre arrive à maturité : de l’idéal romantique, d’une certaine outrance égotiste et décadente – Lorca parle de la “terrible exaltation de son moi – elle s’élève peu à peu vers l’espace plus aéré de la “poesia desnuda”.

Moins radicalement engagé que Lorca, rêvant d’une troisième force, Jimenez s’exile néanmoins en 1936. Les États-Unis, Cuba, Porto-Rico enfin, où le couple s’installe définitivement en 1951. En 1956, deux ans avant sa mort, il reçoit la consécration du prix Nobel. Mais l’agonie de Zenobia, qui mourra trois jours après cette attribution, transforme sa joie en tristesse profonde.

À propos de Jiménez :

“Il y a deux maîtres : Antonio Machado et Juan Jamón Jiménez […] Le second, grand poète troublé par une terrible exaltation de son moi, écorché par la réalité qui l’environne, incroyablement déchiré par des riens, à l’aguet du moindre bruit, véritable ennemi de son exceptionnelle et merveilleuse âme de poète.”

Federico Garcia Lorca

“Jiménez perçoit pour la première fois, et peut-être pour la dernièe, le silence insignifiant de la nature, où les paroles humaines ne sont qu’un peu d’air et de bruit.”

Octavio Paz

“Beauté et éternité se conjuguent, vivantes et plus grandes toujours, dans toute sa poésie, sûrement comme en nul autre poète des meilleures époques de la poésie.”

German Bleiberg En savoir plus.

Presse et librairies

On perçoit fort bien ici, à travers l’heureuse traduction de Bernard Sesé, l’avancée de l’auteur vers une poésie dépouillée de tout ornement et la persistance néanmoins, dans la réitération de l’apostrophe, des charmants refrains de sa première manière.

Jacques Fressard, La Quinzaine Littéraire, 1/15 juillet 2000

C’est une œuvre dont l’économie, la rigueur sans concession avec le beau style, sont d’une étonnante actualité. Le mérite de Bernard Sesé réside précisément dans la restitution de cette tension entre la fluidité du style et la brièveté, le laconisme de l’expression qui ne tombe jamais dans la sécheresse, grâce à la manière dont la phrase se développe sur deux, trois ou parfois quatre vers, de manière naturelle et souple.

Europe, avril 2001