Cette condenserie
Traduction de Martin Richet.
« Grand-père / me disait : / Apprends un métier / J’ai appris / à rester à mon bureau / à condenser / Pas de chômage / dans cette condenserie ».
Saisis par cette image du « travail de poète », nous avons voulu en présenter la matière et le processus : « le mélange, le changement », « l’immense, massive corruption de la langue ». Aussi, le présent volume retrace plusieurs mouvements de condensation : comment la vie devenue lettre aux amis se fait matériau d’un poème ; comment la lecture se densifie en poétique ; comment le document et le savoir informent l’expérience et l’écriture. Ces mouvements déterminent notre table des matières dans ses deux parties.
« De ton foyer au mien » présente un large choix de lettres adressés aux compagnons de route, poètes, éditeurs, amis. À Harriet Monroe (éditrice de l’importante revue Poetry), à Louis Zukofsky et son fils Paul, à Cid Corman, à Jonathan Williams et au jeune voisin de Black Hawk Island, Gail Roub. Prolongements de cette correspondance, deux essais de Niedecker, sur la poésie de Louis Zukofsky et Cid Corman, closent ces échanges.
Notre deuxième partie, « Lac Supérieur », nous renseigne sur le processus de composition du « magma opus » de Niedecker, au moyen d’un choix de notes préparatoires, d’un journal de voyage et de la première version du poème, parue en revue et remaniée pour sa publication dans North Central (1968).
Martin Richet
Presse et librairies
Il faut lire Lorine Niedecker. Parce qu’elle l’une des grandes poètes états-uniens évidemment. Parce qu’elle permet aussi, au gré de la lecture consistante des textes réunis par Martin Richet dans ’Cette condenserie’, de penser des grands mouvements qui ont animé la poésie du siècle dernier et de redécouvrir une autrice dont le but est la simplicité et que caractérisent le dépouillement et une forme de mysticisme sauvage.
Jacques Darras, En attendant Nadeau, 23 août 2023Lorine Niedecker ne mettait jamais en avant ce qu’elle écrivait, ce qu’elle était ; elle a gagné son pain en faisant des ménages et ne tenait pas à ce que l’on sache qu’elle publiait des poèmes, mais elle n’avait aucun doute sur la nécessité pour elle d’écrire, « Il n’y a rien de plus important dans ma vie que la poésie », écrivait-elle à Jonathan Williams.
Tristan Hordé, Sitaudis, 22 septembre 2023La parution d’un nouveau volume signé Lorine Niedecker dans cette même collection [Série Américaine] chez Corti est un événement majeur […].
Christian Rosset, Diacritik, 28 juin 2023Lorine Niedecker […] a un rapport tellurique à ce qui l’entoure, ce dans quoi elle a choisi de se fondre. La « condenserie », c’est cela : « Pas de retour. Pas d’Ithaque. Pas la maison. Pas la vie. Même plus l´autre. Plus jamais soi. Seul le poème » (J. Daive). Il s’agit moins d’une abstraction que d’un effacement pour faire partie du poème.
« éliminer » dit Jean Daive, en effet, condenser, c’est ça. Ça n’a rien d’ « objectif », en cela elle reste à l’écart du mouvement de cette époque. Son geste est simplement, mûrement réfléchi et sensiblement l’objet de son expérience quotidienne : une poétique.
Un choix de lettres, deux essais et des notes de voyage, par Lorine Niedecker, la « plus objectiviste des objectivistes » américaines.
Emmanuel Laugier, Le Matricule des Anges n°247, octobre 2023Niedecker écrivait sans en parler ; ses proches ignoraient souvent tout de son activité. Elle fut aide-bibliothécaire, femme de ménage dans un hôpital et s’occupa de l’entretien d’une petite propriété familiale qu’elle louait. Son lien avec le monde littéraire passait surtout par sa correspondance.
Thomas Stélandre, Libération, 7 juillet 2023