Archives des bons morceaux
Traduction de Claire Cayron.
Ces 21 récits et nouvelles, à dessein présentés dans l’ordre chronologique de leur écriture, ajoutent encore à l’étrangeté qui se dégage de l’ensemble de l’œuvre de Harry Laus. Une étrangeté sans rapport avec un quelconque exotisme tropical, issue de la vie même de l’auteur et de ses expériences d’enfant et d’adolescent, alimentée par un regard d’adulte qui se porte toujours sur l’insolite, la marge, l’écart, la faille, le manque.
Déjà orphelin de mère, Harry Laus est tôt confronté à la déchéance et à la mort d’un père mis à l’écart (La Visite), puis à la panique dans le milieu inconnu où il a été transplanté (La Clef). Il découvre les hésitations de sa sexualité (Prélude, L’Adolescent). Et l’on assiste simultanément à la naissance puis à l’installation du sentiment de culpabilité (La Procession, Le Voyage, La Cage). Un sentiment qui a progressivement envahi l’autobiographie et la fiction, au point de devenir l’un des fils conducteurs de l’ensemble de l’œuvre, où le débat de(s) conscience(s) est maintes fois structurel.
Devenu Cadet, puis militaire de carrière, Harry Laus expérimente notamment la dépersonnalisation (Perspective, En ligne droite) et la brutalité (Le Ministre). Un lieu à l’atmosphère un peu fantastique lui sert de refuge : c’est Le Joyau – un étrange bijou de nouvelle, où l’on peut lire aussi l’éveil de la sensibilité de l’auteur aux arts plastiques.
Les nouvelles de la maturité et de la vieillesse appellent le même adjectif : étrange, étrange, étrange… Étrangeté des personnages : le Docker fragile, le Rameur déçu, l’adolescent fasciné par le chiffre 3 de Caixa d’Aço, le bellâtre archivé, la Maria-ballast, du nom de son lieu d’exercice, la vieille ingénue de Cambirela. Étrangeté des situations et des comportements : l’inceste en intention Comme toujours, le choix de La Première balle, la disparition restée Sans réponse.
En fin de vie, c’est le recours à l’imaginaire et le bilan de L’Avant-dernière décennie du siècle devenu dernier. Jusqu’au bout, l’exotisme n’est pas l’affaire de Harry Laus.
Claire Cayron
Presse et librairies
Les nouvelles d’Harry Laus semblent parcourues par les ondes troubles du passé et les promesses discrètes d’une révélation future, offerte par l’art ou les paysages. L’une d’elle s’intitule Le joyau : un titre que mériterait chacun des textes de Laus, dont la délicatesse un peu cruelle rappelle souvent la grâce un peu amère de Rilke. C’est assez rare, et vraiment beau.
Fabrice Gabriel, Les Inrockuptibles, 13 novembre 2001Harry Laus, poète égaré parmi les militaires, a su prouver, en France grâce au travail obstiné de Claire Cayron, la dimension d’une œuvre remarquable de finesse psychologique, d’intensité émotionnelle, de recherche stylistique.
René de Ceccatty, Le Brésil sensuel et secret de Harry Laus, Le Monde des livres, 17 janvier 2001