Bis
Traduction de Claire Cayron.
Bis, qui réunit 20 nouvelles de Harry Laus (Brésilien, 1922–1992) dont 13 inédites en français, reprend le titre laconique donné par l’auteur à la réédition conjointe, en langue originale, de ses deux premiers recueils.
Ces textes inaugurent, avec les trois nouvelles inclassables réunies sous le titre Sentinelle du néant, la publication complète, aux éditions Corti, de cette œuvre-témoignage d’un artiste peignant avec compassion la violence des milieux, des passions, des climats.
Dans sa préface à la première édition française de Harry Laus, Jorge Amado écrivait : Jamais je n’ai rencontré personne qui eût moins la vocation militaire que ce garçon de Santa Catarina, civil par nature et par conviction, né pour vivre libre et bohême, non pour marcher au pas. Mais, quatorzième d’une famille de seize enfants issue de l’émigration allemande de la fin du XIXe siècle et très tôt orphelin, Harry Laus a dû entrer à l’école préparatoire des Cadets à l’âge de 18 ans, pour n’être plus à la charge de son frère aîné. Dans la part publiée de son autobiographie, il écrit : “Un élément d’ordre matériel m’empêcha d’abandonner l’armée : la pauvreté (…). L’armée fournissait le linge, le vivre et le couvert, l’instruction et un peu d’argent à la fin du mois". Traînant partout ses caisses de livres et ses cahiers, Harry Laus a connu les casernements les plus reculés, notamment jusqu’à Corumbá, dans le Mato-Grosso, aux frontières de la Bolivie et du Paraguay. Démissionnaire au moment du coup d’État de 1964, il a développé alors une carrière de critique d’art. Collaborateur de différents journaux de Rio et São Paulo, dont la revue Veja, membre du jury de divers Salons et Concours, notamment de la Biennale de São Paulo et de la Commission Nationale des Arts Plastiques, il a dirigé les musées de Joinville et de Florianópolis dans son État natal de Santa Catarina. Où il est revenu en 1977 et mort en 1992 aux approches de ses 70 ans.
L’œuvre de Harry Laus, écrite partout et n’importe où, porte la marque du nomadisme revendiqué dans le dernier texte de ce recueil, Porto Belo, 1977, et de la diversité : rien n’y ressemble à rien, ni dans le matériau ni dans les formes.
Claire Cayron
Presse et librairies
Harry Laus met l’homme à nu et tente de saisir ses comportements, dans les moindres détails. Il pose le pinceau sur la faille et touche l’essentiel. Universalité, atemporalité, tout est là pour faire une grande œuvre.
Benoît Broyart, Le Matricule des Anges, juin-juillet 1998On pense à Fernando Pessoa, au fantastique d’une Silvina Ocampo, aux jeux rusés du surréel de l’Argentine voisine, en lisant les nouvelles de M. Harry Laus, brésilien frotté d’Europe. Dans les interstices du réel, Harry Laus trouve sournoisement des folies, des absurdités, des farces. [C’est] un mathématicien du hasard, un scrupuleux de l’étrange, un manique du dérangement, de la folie progressive, de l’autre monde qui se déverse à grands flots sur celui-ci. Quand les écrivains du Brésil dansent et chantent, puisque c’est ainsi qu’on les montre, Harry Laus, ironique, monte la garde. Sentinelle du néant.
Manuel Carcassone, Le Figaro, 19 mars 1998