Bis

Traduction de Claire Cayron.

Janvier 1998

224 pages

Ibériques

978-2-7143-0630-2

17 €

Bis, qui réunit 20 nouvelles de Harry Laus (Brésilien, 1922–1992) dont 13 inédites en français, reprend le titre laconique donné par l’auteur à la réédition conjointe, en langue originale, de ses deux premiers recueils.

Ces textes inaugurent, avec les trois nouvelles inclassables réunies sous le titre Sentinelle du néant, la publication complète, aux éditions Corti, de cette œuvre-témoignage d’un artiste peignant avec compassion la violence des milieux, des passions, des climats.

Dans sa préface à la première édition française de Harry Laus, Jorge Amado écrivait : Jamais je n’ai rencontré personne qui eût moins la vocation militaire que ce garçon de Santa Catarina, civil par nature et par conviction, né pour vivre libre et bohême, non pour marcher au pas. Mais, quatorzième d’une famille de seize enfants issue de l’émigration allemande de la fin du XIXe siècle et très tôt orphelin, Harry Laus a dû entrer à l’école préparatoire des Cadets à l’âge de 18 ans, pour n’être plus à la charge de son frère aîné. Dans la part publiée de son autobiographie, il écrit : “Un élément d’ordre matériel m’empêcha d’abandonner l’armée : la pauvreté (…). L’armée fournissait le linge, le vivre et le couvert, l’instruction et un peu d’argent à la fin du mois". Traînant partout ses caisses de livres et ses cahiers, Harry Laus a connu les casernements les plus reculés, notamment jusqu’à Corumbá, dans le Mato-Grosso, aux frontières de la Bolivie et du Paraguay. Démissionnaire au moment du coup d’État de 1964, il a développé alors une carrière de critique d’art. Collaborateur de différents journaux de Rio et São Paulo, dont la revue Veja, membre du jury de divers Salons et Concours, notamment de la Biennale de São Paulo et de la Commission Nationale des Arts Plastiques, il a dirigé les musées de Joinville et de Florianópolis dans son État natal de Santa Catarina. Où il est revenu en 1977 et mort en 1992 aux approches de ses 70 ans.

L’œuvre de Harry Laus, écrite partout et n’importe où, porte la marque du nomadisme revendiqué dans le dernier texte de ce recueil, Porto Belo, 1977, et de la diversité : rien n’y ressemble à rien, ni dans le matériau ni dans les formes.

Claire Cayron

Harry Laus

Harry Laus, né en 1923 à Tijucas au Brésil, a mené une vie complexe, entre son service militaire, sa carrière de critique d’art et de directeur de musée, avant de se consacrer pleinement à l’écriture. Marqué par son homosexualité dans un contexte militaire conservateur, ses œuvres littéraires mêlent expériences personnelles et questionnements profonds.

Présentation de Claire Cayron :

“Il a chanté, ri, fait la fête, souffert, pleuré, aimé, il a vécu”. Cette affirmation de l’universitaire brésilienne Zahidé Lupinacci Muzart aurait pu servir d’épitaphe à Harry Laus, s’il n’avait déjà choisi la sienne, issue de son Journal absurde : “Ne pas se borner à accepter la vie, mais l’endurer, l’interpréter, la conduire vers une fin qui la justifie en totalité”. Et la vie de Harry Laus a été des plus complexes.

Il est né à Tijucas, une petite ville de l’État de Santa Catarina, au sud du Brésil, dans une famille d’origine allemande dont les premiers représentants étaient arrivés de Prusse en 1847. Orphelin de mère à l’âge de 6 ans, il était le 14e d’une fratrie de 16 enfants issus des trois mariages de son père. La très modeste situation familiale l’a conduit dans l’armée dès l’âge de 17 ans. Il en est sorti avec le grade de lieutenant-colonel, à l’occasion du coup d’État de 1964, après une carrière tourmentée et périlleuse, en raison des différentes formes de son inadaptation au milieu militaire.

L’une d’elle est la vocation littéraire qu’il a revendiquée dès 1947, et développée confidentiellement jusqu’en 1953 où, sous un pseudonyme, il a été couronné pour un essai sur l’œuvre de Ibsen. Durant ces années, de caserne en caserne, il s’est formé intellectuellement dans la plus grande solitude, et souvent le plus grand inconfort, avec un acharnement parfois désespéré, dont témoignent les premières années de son Journal absurde, commencé à l’École militaire.

L’autre motif d’inadaptation était son homosexualité. Dans son dernier ouvrage, le roman Les Jardins du Colonel, on peut lire : “Au cours de sa carrière, il avait parfois relâché la vigilance qu’il exerçait sur lui-même, et la continence forcée avait explosé ici ou là. La dissimulation alors se lézardait, l’obligeant à abandonner les déguisements qui travestissaient sa personnalité, au point de ne plus se reconnaître lui-même”. Le Journal absurde, encore inédit au Brésil dans sa version intégrale, rend compte, entre autres témoignages, des risques et périls encourus.

“Jamais je n’ai rencontré personne qui eût moins la vocation militaire que ce garçon de Santa Catarina, civil par nature et par conviction, né pour vivre libre et bohême, non pour marcher au pas”, a écrit Jorge Amado dans une préface. Cependant, la vie militaire a aussi nourri l’œuvre de Harry Laus plusieurs de ses 55 nouvelles y ont trouvé leur cadre et leur sujet.

Au bout d’une dizaine d’années d’intense activité littéraire, Harry Laus a saisi l’occasion, à partir de 1962, de développer son goût pour les arts plastiques, en devenant successivement chargé de la rubrique correspondante dans divers quotidiens de Rio de Janeiro, notamment le Jornal do Brasil puis de la revue Veja, en relation étroite avec son amie la galériste Ceres Franco. Membre de l’Association Brésilienne et Internationale des critiques d’art, il a participé en 1971 et 1972 au jury de la Biennale de São Paulo.

Il s’est retiré à partir de 1976 dans son État natal, où il a dirigé le musée de Joinville puis le M.A.S.C. (Museo de Arte de Santa Catarina). À ce poste, il a promu et rédigé le catalogue des artistes plasticiens catarinenses. La poursuite de son Journal, trois romans, un recueil de nouvelles sur le sujet de “l’amour banni” et un “documentaire autobiographique” marquent également cette dernière période de sa vie.

Une attention mélancolique à la fragilité humaine, fruit de la multiplicité de ses expériences de vie, l’exigence formelle de simplicité, et la sensibilité visuelle trace de son autre vocation artistique, caractérisent l’écriture de Harry Laus. En savoir plus.

Presse et librairies

Harry Laus met l’homme à nu et tente de saisir ses comportements, dans les moindres détails. Il pose le pinceau sur la faille et touche l’essentiel.
 Universalité, atemporalité, tout est là pour faire une grande œuvre.

Benoît Broyart, Le Matricule des Anges, juin-juillet 1998

On pense à Fernando Pessoa, au fantastique d’une Silvina Ocampo, aux jeux rusés du surréel de l’Argentine voisine, en lisant les nouvelles de M. Harry Laus, brésilien frotté d’Europe.
 Dans les interstices du réel, Harry Laus trouve sournoisement des folies, des absurdités, des farces. [C’est] un mathématicien du hasard, un scrupuleux de l’étrange, un manique du dérangement, de la folie progressive, de l’autre monde qui se déverse à grands flots sur celui-ci. Quand les écrivains du Brésil dansent et chantent, puisque c’est ainsi qu’on les montre, Harry Laus, ironique, monte la garde. Sentinelle du néant.

Manuel Carcassone, Le Figaro, 19 mars 1998