Journal absurde

Traduction de Claire Cayron.

Janvier 2000

536 pages

Ibériques

978-2-7143-0713-2

23.95 €

Je cache aux autres mon grand rêve, en partie parce que je doute moi-même de ma capacité à devenir écrivain, mais surtout parce que j’estime qu’on ne comprendrait pas l’absurdité de mes ambitions. Quant aux cadets, peut-être faut-il considérer la hiérarchie militaire comme un facteur d’éloignement. Pourtant on sait que je m’emploie à abolir cette distance, en leur accordant la plus grande liberté de parole, afin de mieux sonder et comprendre leurs réactions. Mais je tiens la littérature si bien cachée, si bien à l’écart de ma vie active, en la refoulant au fond de moi – en partie pour cacher la timidité de mon approche –, que j’annule ainsi presque entièrement la possibilité d’être pris pour un écrivain. Aucun de mes collègues et futurs collègues n’associera le mot de littérature à mon nom. Le mot de libertinage, ou un autre plus vulgaire, restera lié pour toujours à la définition de ma personnalité. Car l’intempérance a été la seule solution que j’aie trouvée pour vivre moins en désaccord avec la vie militaire. Par malheur, j’y ai trouvé quelques satisfactions, tout en reconnaissant que ce n’était pas une solution intelligente car, pour éviter un comportement impossible, je tombe dans un autre parfaitement insolite. Telles sont quelques-unes des raisons pour lesquelles le titre de « Journal absurde » conviendrait bien à ces notes. (15 novembre 1951)

Treizième d’une famille de seize enfants et orphelin, par décision de son frère aîné, Harry Laus est entré dans l’armée en 1941 à l’âge de 18 ans, et n’en est sorti qu’en 1964, avec le grade de lieutenant-colonel. L’écriture du Journal absurde, de 1949 à 1959 (avec une interruption de 1954 à 1958), témoigne des étapes, souvent éprouvantes, de son évolution psychologique et artistique dans le métier des armes, qu’il assume avec un mélange de désespoir et de conscience professionnelle.

En autodidacte, Harry Laus développe sa formation intellectuelle. Malgré la vie de caserne et de manœuvres, il découvre Cervantès, Kafka, Dostoïevski, Tolstoï, Gide, Martin du Gard, Rilke, etc. Parallèlement, il explore sa vocation littéraire, qui deviendra publique à partir de 1953. Dans l’hostilité et la clandestinité, donc dans la violence, il tente d’assumer son appartenance à « l’espèce » (c’est son propre terme) homosexuelle.

Claire Cayron

Harry Laus

Harry Laus, né en 1923 à Tijucas au Brésil, a mené une vie complexe, entre son service militaire, sa carrière de critique d’art et de directeur de musée, avant de se consacrer pleinement à l’écriture. Marqué par son homosexualité dans un contexte militaire conservateur, ses œuvres littéraires mêlent expériences personnelles et questionnements profonds. En savoir plus.

Presse et librairies

On imagine, à lire le Journal absurde, que Harry Laus tint durant dix ans, de 1949 à 1959, alors qu’il exerçait de caserne en caserne, le courage qu’il dut chercher en lui pour se lancer dans [un] aveu si direct.

René de Ceccatty, Les Silences du colonel Laus, Le Monde, 12 mai 2000