Treize histoires peu rassurantes

Traduit de l'allemand par Huguette et René Radrizzani

Janvier 1982

232 pages

Littérature étrangère

978-2-7143-0526-8

18.55 €

Sans nul doute, Jahnn est l’un des grands prosateurs et narrateurs allemands du XXe siècle. En 1956, il composa lui-même ce recueil de treize histoires, prises en majeure partie dans ses grands romans Perrudja et Fleuve sans rives, et dont certaines furent légèrement modifiées ou entièrement réécrites à partir de quelques motifs.
-Notre existence, banale et monotone en surface, se trouve constamment menacée par des chocs irrationnels. Il y a d’abord les pulsions amoureuses, qui conduisent à des situations troubles (impliquant généralement une femme placée entre deux hommes : « Ragna et Nils », « Histoire de l’esclave », « Histoire des deux jumeaux », « Roi sassanide »), ou se manifestent encore par des tendances homoérotiques larvées (« Mov », « Le Choix d’un domestique », « Le Plongeur », « Les Mangeurs de confitures ») ; la vision de la mort et de la décomposition des corps (« Kebad Kenya », « Le Jardinier », « Le Plongeur », « Mov »). « L’Horloger » et « Un garçon pleure » font revivre le bouleversement qu’éprouve l’adolescent lorsque, pour la première fois, il se sent seul face à l’immensité de l’univers. « Les Mangeurs de confitures » présente un éventail d’attitudes fondamentales que peuvent adopter de jeunes gens confrontés à la complexité de notre monde. « Roi sassanide », parabole grandiose de la fragilité du bonheur humain, évoque un souverain fabuleux qui possédait onze mille femmes, une santé de taureau, une foule de trésors uniques, soigneusement répertoriés, avant d’être précipité dans une chute vertigineuse.
La diversité stylistique de ces récits, dont la rédaction s’échelonne sur près d’un quart de siècle, est extraordinaire : elle va du récit simple, linéaire (« Ragna et Nils ») à des jeux du langage qui ne le cèdent en rien à Joyce (« Un garçon pleure », « Les Mangeurs de confitures », « Roi sassanide ») et à l’écriture mûrie, subtile, des dernières années (« Le Choix d’un domestique », « Le Plongeur »).
« Astre polaire et tigresse » (écrit pour une fête d’artistes) est, dans sa brièveté, le dernier grand conte littéraire aux consonances magiques et symboliques dans la lignée inaugurée par le Märchen de Goethe.

Hans Henny Jahnn

Hans Henny Jahnn, romancier, dramaturge et facteur d’orgues naquit à Hambourg-Stellingen. En 1915, il s’enfuit en Norvège avec son ami G. Harms pour éviter le recrutement. C’est là qu’il écrivit Ugrino et Ingrabanie, fragment inachevé (parution 1994), et Pastor Ephraïm Magnus, pièce qui obtint en 1920 le prix Kleist (parution octobre 1993). En savoir plus.

Presse et librairies

Peut-être, Jahnn est-il le cas le plus typique d’un auteur dévoré par ses démons : tiraillé par une double vocation d’artisan et d’intellectuel, par une double identité d’homme et d’enfant, par une double perception de la vie, expressionniste et mystique ; un individu capable de tout, nihiliste et plein de vitalité, puéril et mythique…

Pierre Deshusses, Le Monde, 23 décembre 1994

Ces textes brefs nous emportent presque malgré nous dans un monde troublant, où l’écrivain gagne le pari d’exprimer de la façon la mieux adaptée des sentiments confus ou des situations mythiques. La lecture de ces textes accroîtra encore le désir de pénétrer chaque contrée de l’immense H. H. Jahnn.

Claude-Henry du Bord, Études, mars, 1995

Pas plus que Kafka, Jahnn ne fournit d’explications. On le quitte troublé, plein de suspicion à l’égard des individus et des paysages trop lisses. Et qui a aimé le « Servant » de Losey court déjà chez son libraire, nous renversant en chemin.

Angelo Rinaldi, L’Express, 16 février 1995

Dieu qui règne dans ces histoires se montre aussi arbitraire que cruel, assoiffé de vengeance et du plaisir pervers de nuire, de faire souffrir, de détruire sa propre création. Aussi sadique que masochiste, le Dieu de Jahnn torture et se torture dans un mouvement sans fin.

Marcel Schneider, Le Figaro Littéraire, 9 février 1995