Les Techniciens du sacré
Traduit par Yves di Manno.
Chants maoris ou altaïques, cérémonies indiennes, épopées et louanges d’Afrique, hymnes d’Égypte ou du Pérou, cosmogonies d’Asie centrale, du pays Dogon, d’Australie, légendes d’Irlande et de Chine, inscriptions sumériennes, rites de possession, définitions aztèques, « poèmes en prose » esquimaux… Les Techniciens du sacré présentent tout d’abord un panorama divers et cohérent, un corpus exemplaire de textes « traditionnels », de toutes provenances géographiques et temporelles. Mais loin de s’en tenir à une approche strictement documentaire, Jerome Rothenberg a composé son ouvrage comme une anthologie « active », inscrite dans le présent, développant au fil de nombreux Commentaires, un singulier parallèle entre ces textes immémoriaux et la poésie du XXe siècle.
Selon lui, les diverses révolutions modernes ont en effet replacé les créateurs (et singulièrement les poètes) dans une posture qui n’est pas sans équivalent — au moins à titre analogique — avec celle des chanteurs, chamans ou devins des sociétés dites « sans écriture », en leur confiant le soin d’arpenter les domaines que recouvre la part obscure du langage : le rêve, les visions, la parole des morts…
Composé au beau milieu de la grande tornade utopique et rebelle des années 1960, ce livre a eu outre-Atlantique une influence notable sur la poésie de son temps. La version qu’en propose Yves di Manno rouvre aujourd’hui ce débat, dans le contexte français.
Presse et librairies
En tout état de cause, voilà un livre majeur, fécond et dont la lecture est un régal, il faut le dire aussi. Pléthore de textes superbes, sur les deux versants du livre, corpus traditionnel, propositions contemporaines. Que tout honnête homme (et donc pas seulement les poètes […]) devrait lire comme outil de connaissance et pour les innombrables questions qu’il pose.
Florence Trocmé, Poezibao, 4 avril 2008[…] Un de ces ouvrages essentiels où les deux axes de l’espace et du temps se fécondent.
Auxeméry, La Revue des Ressources, 18 avril 2008Cinquante ans après sa première édition aux États-Unis, paraît en français un livre singulier. Recueil imposant de textes issus des sociétés traditionnelles, il avait répondu, à l’époque, à un « désir de vie chargée de sens », « d’une vie vécue sur le plan de la poésie » de toute une génération. En défendant une thèse forte, celle de la ressemblance plurielle et multiforme, qu’explicite précisément la partie « Commentaires », entre la démarche des chamans, chanteurs ou guérisseurs, et celle des poètes du XXe siècle.
Marta Krol, Le Matricule des Anges, mai 2008Un livre mine.
Mathilde Villeneuve, Moustache, 11 juillet 2016 — Source[Un] livre exceptionnel par son objet et par la résonance – recherchée par l’auteur – qu’il a sur la poésie contemporaine.
La pierre et le sel, 21 mai 2013 — SourceLe livre de Rothenberg est un livre des morts : tous les textes ou presque qu’il contient proviennent de civilisations disparues. Doit-on n’y voir qu’un musée dans lequel les mots s’alignent, muets, sur leurs belles pages blanches comme des linceuls, coupés de toute la vie sociale, mystique, religieuse, politique, qui leur a donné naissance, dans une culture dont nous ne savons parfois presque plus rien ? Au mieux, un recueil où des poètes contemporains pourraient chercher des techniques, pour redonner de l’esprit au temps présent, une boite à outils, comme on allait jadis au Louvre pour étudier les maîtres, avant de remettre l’ouvrage sur le métier du présent.
Guillaume Condello, revue Catastrophes — Source