Grand-Monde
Grand-Monde est un livre tourné vers les arbres. Pourquoi écrire sur eux ? Parce qu’ils plantent un rapport, à la fois essentiel et fragile, à la nature.
Ils donnent en silence les coordonnées de notre monde. Ces poèmes font la biographie des arbres, appelés « Ils » dans la première entrée, « Les Longtemps ».
Ils s’y dessinent dans leur verticalité, collectivité vulnérable, accueillante et fermée. On les voit tenir à la lisière de l’humain. Ils poussent à l’orée de l’Histoire. Ce sont des relieurs. Ils persistent.
la nature a des sentiments lents /
des animaux de langue morte impriment leurs corps /
dans notre boue /
un arbre enterré par les branches ressemble
à un arbre planté dans la mer se sent seul…
Presse et librairies
Voir autrement ce qui nous entoure peut servir à nous regarder plus profondément. Et à changer alors le regard que l’on porte en retour sur ce qui nous entourait. Aurélie Foglia monte dans les arbres, s’y introduit, s’y balance au gré des vents, plonge au cœur de ses racines.
Emmanuel Requette, PtyxSi le livre d’Aurélie Foglia est si convaincant, c’est parce qu’il évite tous les écueils de l’emphase auquel l’hymne, fût-il brisé, pourrait inciter. C’est une musique atonale et minimaliste façon Webern que ce Grand-Monde fait entendre, jouant, via des cellules de vers très courts et séparées de beaucoup de silence, de la parataxe et d’une syntaxe du vers où le brusque clinamenopéré par la coupe rend possible le « bouturage » de tel fragment de phrase à partir de tel autre (on pense ici aux embranchements peints par Alexandre Hollan). Au final, c’est simplement très beau. […]
Jean-Claude Pinson, Sitaudis, 12 juin 2018Aurélie Foglia construit une symbolique de l’arbre en inversant un discours dominant à propos des forêts, encore perçues comme des espaces opaques, à l’écart du civilisé, pour l’essentiel ayant une fonction utile : elles sont, d’abord, lieux à exploiter, ce qui les fait disparaître ; les arbres deviennent manches de haches, meubles, etc., ils sont à la disposition des hommes qui y installent une balançoire et laissent leurs chiens uriner contre eux. Que dire d’autre ? Les arbres « sont animaux / qui ne craignent pas l’homme / sauvages / ils ont tort ». Contrairement à lui, ils ignorent ce qu’est la mort et, est-ce bienveillance ?, ils l’aident à se pendre.
Tristan Hordé, Sitaudis, 15 mai 2018Ce livre surprend, et retient, par sa façon originale et personnelle d’interroger la relation humain/végétal, sans retomber dans une vision romantique de la nature. Il s’agit plutôt d’exprimer par le poème ce lien intime, peu clair mais aussi puissant que fragile, qui unit deux modes d’être vivant, radicalement différents et pourtant si proches. Le poème ici n’est ni directement philosophique, scientifique ou politique ; autant qu’une esthétique, il vise à exprimer cette part muette de nous-mêmes que l’on peut nommer émotion, sensibilité, ou « activité de contempler » (p. 72).
Antoine Emaz, Poezibao, 16 mai 2018