Dames & Messieurs sous les mers

Cet exercice de style éblouissant allie le fantastique poétique à l’humour avec les moyens linguistiques de l’essai, du document et va de la méditation philosophique à la parodie.
L’ auteur propose ici comme thème celui de la métamorphose : les sept protagonistes, à double identité, y compris le narrateur (calmar), après avoir connu une vie terrestre humaine, vivent actuellement dans l’élément marin et entretiennent des relations qui ne sont pas sans rappeler celles que tout un chacun entretient dans la société humaine.
Paradis ? Purgatoire ? Phase transitoire ?
Comment suivre Christoph Ransmayr lorsqu’il nous présente un « calmar des récifs à grandes nageoires » (Des photos en attestant la merveilleuse réalité), qui fut gardien de musée dans une première vie.
Mais pourquoi ne pourrait-on devenir calmar quand on sait que l’œuf de l’insecte se métamorphose en chenille, puis en nymphe et enfin en papillon, qui abandonne son destin terrestre inerte ou rampant pour la vie aérienne ?
Les mythes de la métamorphose sont si profondément ancrés dans notre mémoire et notre imagination, depuis les origines de l’humanité, que, dès les premières lignes, nous croyons à ces destins, autant que nous avons cru à Narcisse, devenu fleur, à Io métamorphosée en vache. Nous y avons cru et voulons y croire encore : pour le plaisir.
La condition de cette persuasion et de cette croyance naturelle sont, cela va de soi, l’efficacité de la forme, sa perfection. Et Christoph Ransmayr remplit magistralement cette condition.
Presse et librairies
Fable autant naturaliste que fantastique et philosophique, Dames & Messieurs sous les mers nous décrit une vie à la fois en exil et en miroir de la nôtre, donnant à méditer toute la distance qui la sépare de notre humanité quand celle-ci n’entretient plus la familiarité nécessaire avec la nature et ses métamorphoses, mais lui oppose son arrogance. En posant la question du franchissement et de la réversibilité des espèces, l’humain d’après Ransmayr n’étant pas un état irrémédiable du possible mais quelque chose qui reste encore à venir, l’écrivain nous confronte aussi bien à notre passé, à notre origine qu’à notre avenir imprévisible, avec cette utopie qu’un jour, la chaîne des métamorphoses du vivant n’aboutisse à des êtres, « peut-être grimaçants et méchants – mais, qui sait, peut-être aussi, oui, peut-être,… plus généreusement doués d’amour et de bonté que nous (l’espèce humaine) ne le fûmes jamais ».
Sophie Deltin, Le Matricule des Anges n°113, mai 2010