Adieux au poème
La poésie touche à sa fin. Elle s’achève à présent.
Peut-être n’y aura-t-il bientôt plus rien à écrire. Peu soucieux « d’extravaguer du corps », les contemporains renoncent à se mesurer à l’impossible avec des mots. Aussi bien que dans la marchandise, ils trouvent dans la stupéfaction leur content. Bousculés dans le tohu-bohu des villes, roulés dans la farine des images, ayant jeté l’éponge, ils ne cherchent plus guère à reprendre pied sur la terre dont ils se sont eux-mêmes exclus.
Ceci est un livre d’adieux à ce qui se perd ou qui a déjà disparu : le poème, tissage de figures, objet de beauté, densité de faits de langue, respiration accélérée ou très lente de la pensée. Évidence et perplexité.
La poésie sur sa fin se retourne mélancoliquement vers les voix chères qui se sont tues. Le poème, tel que nous l’avons aimé, dit-elle, est un objet perdu.
Dire adieu : c’est signifier pourtant que quelque chose doit encore être écrit… En souvenir du poème. Comme on viendrait entretenir sa tombe pour en garder mémoire. Ou construire sa dernière demeure : une simple boîte clouée. «Le minuscule tombeau, certes, de l’âme.»
Presse et librairies
(Maulpoix) dénonce la fin du lyrisme, de l’espérance, de la beauté dans le poème, en leur rendant magnifiquement hommage même s’« il se fait tard ». Il annonce l’avènement de l’« altitude zéro », la fin d’une verticalité, d’une lucidité, d’une persévérance poétiques, tout en magnifiant le travail du poète.
Hélène Pelletier, Le Matricule des Anges n°64, juin 2005