María Zambrano

María Zambrano (Vélez-Málaga, 1904 – Madrid, 1991) est une des figures les plus importantes de la philosophie espagnole du siècle dernier. Disciple d’Ortega y Gasset, elle connaît l’exil de 1939 à 1982 (Amérique du Sud, en particulier à Cuba, Europe). Elle a reçu le « Prix Cervantès » pour l’ensemble de son œuvre en 1988.
María Zambrano nait à Vélez-Málaga en 1904. Elle assiste à l’enseignement d’Ortega y Gasset. Dans les années qui précèdent son exil, elle se lie à Bergamín, Luis Cernuda, Jorge Guillén, Miguel Hernandez.
La cause espagnole étant perdue, elle quitte le pays en janvier 1938. Elle voyage et travaille au Mexique, à Cuba, elle enseigne à Puerto Rico. En France, elle devient l’amie de Camus et de Char, au Mexique d’Octavio Paz. Détail curieux, elle est expulsée d’Italie en raison de la dénonciation d’un voisin fasciste parce qu’elle trop de chats dans son appartement. Parfois, les détails sont ces circonstances fortuites qui provoquent un tournant dans l’existence : les chats l’accompagnent en Suisse. Elle écrit La Clairière et commence De l’aurore. Le virage vers la mystique, amorcé précédemment y atteint son acmé.
Chez Maria Zambrano, le penser davantage que la pensée, compte ; c’est une manière d’intégrer les éléments de la réalité, réalité qui avant tout se présente comme constitutive de l’être humain. Une manière qui doit son particularisme au caractère hybride de l’expression où fusionnent l’aspect purement philosophique et la musicalité et le rythme propre à l’imagination poétique : active et créative.
La raison poétique si zambranienne à la fois opératoire et utilisée expressément par elle comme voie d’une réalisation personnelle était nécessaire, et l’était d’autant plus à une époque où la rigidité du rationalisme limite l’esprit et cache les dimensions énigmatiques de la vie derrière des considérations fallacieuses qui sont des garde-fous et rendent la raison imperméable.
La pensée de Zambrano est à la fois métaphysique, psychologique et éthique. Comme elle le souligne, il y a des sentiers qui s’ouvrent dans la forêt et qui se referment à peine les avons-nous passés. Ces sentiers souvent ne mènent nulle part et se perdent. Mais parfois, ils débouchent dans une clairière. Là seulement, la personne peut être témoin du jeun de lumières : voir, et après décrire la vision. Être témoin. La philosophie tout entière ne peut-elle être parfois l’histoire d’un témoignage.
La raison poétique est une mise en pratique de la raison vitale, discours non nécessaire, discours ouvert, découvreur de cette avancée de l’humain dans son temps.
La poésie, selon Zambrano, est réponse ; la philosophie, à l’inverse, est question. La question surgit du chaos, du néant, du désespoir qu’il cause, alors que la réponse ordonne le chaos, rend la terre habitable, aimable, et plus sûre.
On n’y échappe pas, puisque l’ignorance témoigne du manque de quelque chose : de connaissance ou d’être. La mort des dieux restaure le sacré de l’univers originel, mais aussi la peur. À chaque fois que meurt un dieu, surgit pour l’homme un moment de vide tragique.
À partir de ce néant, l’homme doit prendre la responsabilité de créer son être, un être pas encore conceptuel, sinon historique. Le long processus de création de la personne part de cette conscience du néant et de la liberté de conscience qu’elle entraîne.
Le propre de l’homme est d’ouvrir ce chemin parce que le faire met en jeu son être.
La pensée de Zambrano rejoint la philosophie orientale au sens des mystiques persans : types de connaissances qui s’originent dans l’orient de l’intelligence où naissent le soleil et la lumière.
La raison assistée par le cœur – la personne tout entière – permet cette aube de la conscience.
En sa naissance, la raison poétique est aurore avant même les formes poétiques de la parole.
Tel est l’apport le plus important de cette philosophie poétique de María Zambrano.
Traduit d’après quelques extraits de « La Mujer y su Obra », C. Maillard, Université de Malaga