Tsé tsé suivi de Mémoire de Bouche

Janvier 2003

176 pages

Domaine français

978-2-7143-0804-7

15.7 €

Il convient de lire Tsé-Tsé et Mémoire de bouche comme un récitatif à deux voix – à la fois oratorio et tryptique – une complainte en trois mouvements. La voix de la mère se fait d’abord entendre, première et dernière. Elle ne chante en sa parole solitaire que pour exprimer le plaisir, la douleur et la plénitude de la succion, de l’absorption et de l’anéantissement par dissolution de salive et sucs gastriques. L’enfant est le premier et unique objet de cette extatique voration. Investie entièrement dans son application de suceuse absolue, la mère réintègre en elle-même le fruit de ses entrailles. Cette opération charnelle a toute l’exigence d’une ascèse et toute la lenteur hors du temps d’une contemplation.
Alors en contrepoint se fait entendre la voix de l’enfant à la troisième personne, celle du pur objet. La possessive tendresse maternelle prend la forme symbolique de la mouche tsé-tsé émolliente et anesthésiante, dispensatrice d’un sommeil physique et mental, pathologique et prodigieux, à l’horizon duquel l’enfant s’identifie complètement à la vermine qui l’anéantit, puis le vide qui en résulte.
Une fois son enfant réduit, éteint, dissipé, rendu à son indistinction initiale antérieure à sa naissance, il ne reste plus à la mère, dont la fringale n’a pas faibli, de se prendre elle-même pour proie. L’autodévoration de celle qui n’est plus que bouche illimitée s’affirme comme l’accomplissement de la dimension autoérotique de la femme dont la fécondité tient tous ses produits dans les bornes de son giron.
Claude Louis-Combet

Claude Louis-Combet

Philosophe, Claude Louis-Combet est traducteur d’Anaïs Nin (La Maison de l’inceste, Éditions des Femmes, 1975) et d’Otto Rank (L’Art et l’artiste, Payot, 1976), éditeur chez Jérôme Millon de textes spirituels (Abbé Boileau, Histoire des flagellants, 1986 ; Jean Maillard, Louise du Néant, 1987 ; Berbiguier de Terre-Neuve, Les Farfadets, 1990), et auteur de “mythobiographies” et de récits hantés par la dévoration et l’inceste. En savoir plus.

Presse et librairies

Le texte de Claude Louis-Combet est [\…] par nature hybride, curieusement schizophrène, produit de la superposition exacte de deux corps et de deux voix, celle d’un fils et de sa mère. « Plain-chant », dit l’auteur, se référant à la nature sacrée, intériorisée, monodique et à la fois répétitive de son écriture. Mais si la mère absorbe la substance du fils, il est légitime que le fils ait en retour sa part.

Éric Loret, Libération, 17 avril 2003