L’Âge de Rose
Les Vies des saints de la tradition chrétienne (mais cette remarque vaut, je crois, pour toutes les religions) constituent une fabuleuse richesse d’imaginaire. Celui qui a grandi, toute son enfance et son adolescence, consciemment et inconsciemment, dans le sein de sa sainte mère l’Église, et qui est devenu, avec le temps, le rêveur nostalgique de sa propre existence, trouve, en ces récits surannés, matière à brassage de fantasmes et à fixations d’affects.
Les personnages de la littérature hagiographique expriment, au degré supérieur, sur les hautes cimes de la sublimation et dans la proximité du sacré, qui fait trembler, les pulsions de tous les désirs, les contradictions du moi et du monde, les conflits de l’élan vital et des forces de dissolution et d’annihilation. Ils expérimentent tout ce que l’humanité peut savoir de plus excessif sur l’amour, le sacrifice, la perdition, l’anéantissement. Ils incarnent de prodigieuses images libidinales et leur vie se tient sur un fil tendu et ténu, prêt à se rompre : celui qui sépare la sainteté de la perversité.
Rose de Lima, qui vécut au temps des conquistadors et fut la première sainte officielle reconnue de l’Amérique latine, apparaît comme le point focal d’une histoire sanglante, lourde de culpabilité collective. L’autopunition, l’auto-destruction, le délire flagellatoire et mutilatoire de la vierge péruvienne signalent l’abcès de fixation qui draine toute la violence des inassouvissements de la chair comme de la foi.
Le narrateur de cette histoire, quant à lui, saisit l’occasion de son investigation dans le passé et de sa rencontre avec une figure très singulière de sainteté chrétienne au féminin, pour trafiquer et troquer celle-ci, des émotions, des sentiments, des visions qui lui appartiennent en propre. Ce processus, hautement subjectif, d’identification, de projection, d’appropriation et d’échange est au cœur de l’entreprise mythobiographique dont Rose de Lima fait ici – dernier supplice – tous les frais.
Claude Louis-Combet
Presse et librairies
Les livres de Claude Louis-Combet ne sont pas de ceux qui consolent. Au contraire, leur écriture s’arrime à la douleur et refuse tout effet de sublime. Avec cette troisième fiction publiée chez Corti, la cicatrice reste ouverte. Dans ce livre qui saigne à toutes les pages, le narrateur interdit au lecteur les douceurs d’une biographie classique.
Éric Loret, Libération, 30 janvier 1997C’est tout charnu de langue, surnaturel et vert.
Patrick Grainville, Le Figaro, 9 janvier 1997Ce texte inclassable, doté de pages profondes sur l’expérience intérieure, sur l’adoration, sur la part féminine de chaque homme, mais aussi de remarques impitoyables sur l’élaboration de la sainteté à l’époque du génocide sud-américain, apparaît en même temps comme une autocritique aiguë, ce qui lui donne une grande vitalité et une espèce de candeur touchante.
René de Ceccatty, Le Monde, 27 juin 1997En une langue qui sait l’art de se mobiliser avec volupté autour d’urgences charnelles, et qu’éclaire un sens quasi viscéral du désir, l’auteur traque cette folle passion, en poursuit les modulations sanglantes tout en suggérant sans cesse combien il s’agit de s’abolir dans le Rien pour atteindre le Tout.
Richard Blin, Le Mensuel littéraire et poétique N°248, mars 1997À travers la figure de Rose, l’auteur traque une « image troublante de la féminité », réunissant « les extrêmes de la sainteté et de la sensualité », « image enfouie » au creux des émotions de l’enfance.
Anne Thébaud, La Quinzaine Littéraire, 15 février 1997La démarche de Claude Louis-Combet consiste en un éclaircissement d’une expérience terriblement intime ; elle convie le lecteur à écouter indéfiniment la pulsion d’un cœur attentif à son propre écho.
Jean-Claude Millois, Prétexte, N°12, Hiver 1997.