Ravissements
Perdre la parole, perdre les mots, quoi de plus tragique pour un être humain. L’impitoyable sentiment de dépossession de soi-même gagne le narrateur :
« En sortant d’une réunion durant laquelle une douloureuse fatigue m’avait, pour ainsi dire, assombri auprès de mes collaborateurs et où je demandai l’ajournement de la séance puisque les mots ne m’étaient pas venus… En sortant (…) »
Avec ce court récit, Ryad Girod, dont c’est le premier livre, trouve d’emblée son style et son sujet en réussissant à nous emporter dans un pays à la fois concret et très fantomatique à l’atmosphère inquiétante.
Le pluriel du titre correspond bien à la polyphonie narrative car le ravissement signifie aussi bien l’action d’enlever de force que le fait d’être ravi, transporté par une émotion mystique ou religieuse ; mais encore l’état éprouvé dans une sorte d’extase ou d’étrangeté.
Presse et librairies
Admirablement tenu, le récit étrange et fascinant de Ryad Girod donne à penser toute la distance qui nous sépare de l’humanité, dès lors que n’est plus pris au sérieux le « miracle » du langage. Et parle de la rédemption qu’il y a à s’ouvrir à « la modification du poids des mots ».
Sophie Deltin, Le Matricule des Anges N° 91Le département national de linguistique. C’est là que travaille notre homme. Les mots, leur signification et leur manipulation n’ont donc a priori pas de secret pour lui. Or, au cours d’une réunion, le voilà frappé de mutisme involontaire. Le comble pour un spécialiste de la matière lexicale. Commence alors une étrange quête sur les traces de la langue et de l’humanité.
Laurence Bourgeon, Zone littéraireTelle est la grande force de ce récit, qu’il installe l’indécidabilité au cœur de sa démarche : ravissements dit tout à la fois l’injonction et la passivité, comme le pluriel du mot ce qu’il y a d’inaccompli dans l’accomplissement.
Yves Chemla, Côté sud