Petit-Poucet rêveur
Les contes de transmission orale cachent beaucoup de poésie sous leur apparente naïveté, grâce à quoi ils nous séduisent encore et toujours. De Barbe bleue à La petite fille qui cherche ses frères, du vrai Poucet à La fille bannie, cet ouvrage tente de découvrir en quoi cette poésie consiste et par quels moyens elle s’exprime. Pour l’essentiel elle est faite d’images et de mises en scène proposées par le conteur au fil du récit, à la fois familières et étranges. Oniriques en quelque façon, elles sont prises dans le tissu narratif qui déroule l’itinéraire du héros ou de l’héroïne, lui-même semblable à ce « Petit-Poucet rêveur » qui est pour Arthur Rimbaud le poète lui-même. Sont pris en considération dans ces passages à l’écrit le poids que fait peser le recueil de Perrault sur le corpus français et l’infléchissement des contes vers l’enfance à partir du recueil des frères Grimm. Est également posée la question du programme nécessairement optimiste du conte – « c’est un vrai conte de fées » – lorsque l’on trouve dans le corpus traditionnel quelques versions « ratées » de ce point de vue : comme un retournement en « anti-conte ».
Toutes ces questions renvoient au problème de la création littéraire et de sa transmission en dehors de l’écrit, revendiquant pour cette littérature dite orale le statut d’œuvre à part entière qui lui est déniée, parfois avec véhémence.
Presse et librairies
Aux sources de la poésie des contes merveilleux, l’auteure révèle un ensemble d’éléments opposés et complémentaires : la force profonde des images qui doit coexister avec la trajectoire du récit, la multiplicité des influences à la croisée desquelles naissent les contes, le rapport complexe qu’ils instaurent entre parole et écriture.
Edith Wolf, NRP Collège, mai 2018L’essai de Nicole Belmont est de ceux dont la richesse réflexive rend difficile la tâche de le résumer dans un simple compte rendu. Sa valeur séminale fécondera tout esprit un tant soit peu intéressé au conte. Les questions soulevées sont de celles qui nourrissent longtemps la réflexion et ouvrent de nouveaux horizons pour les recherches sur la tradition orale. C’est peu dire que j’ai aimé cet essai, je l’ai dégusté.
Bertrand Bergeron, Rabaska, Revue d’ethnologie de l’Amérique française, Volume 16, 2018 — Source