Nourrir la pierre
Traduit du polonais par Cécile Bocianowski
Nourrir la pierre explore le monde d’un enfant. À commencer par sa relation avec la pierre mais aussi le duvet, les marrons, le feu, la peau, les mouches, la cendre, la fourchette, l’appui de fenêtre, le coussin à aiguilles, la pelote ou la motte de terre. À travers les sensations, nous parcourons avec lui tout le réseau matériel d’objets, d’espaces et de matières auquel l’enfant se confronte et qu’il manipule, sent, apprivoise. Nourrir la pierretraverse les impressions de l’enfant face à l’infini des choses qu’il explore, de la pulpe de ses doigts au creux sous sa langue. L’enfant nous fait passer de l’autre côté d’une paupière, explorer l’intérieur d’un ventre, sentir les aspérités d’une pierre. Au fil de la lecture, on entre progressivement dans un espace, la maison, où se côtoient quatre générations de femmes et la mystérieuse figure d’un père insaisissable que l’enfant observe en détail.
Presse et librairies
Il me semble avoir très rarement lu, dans l’océan de la poésie contemporaine, un livre qui évoque si justement et si profondément ce que peuvent être les ressentis d’un enfant.
Florence Trocmé, Poesibao, 2 octobre 2023Cette pierre qu’il faut sans cesse nourrir comme une sorte de minotaure de poche perdu dans le labyrinthe de ses sens, et qui réclame son lot de vierges matières – on l’alimente par simple contact avec d’autres choses, un peu de sang recueilli dans une coupelle par exemple –, cette pierre est l’objet transitionnel absolu, réduit à sa plus simple expression, une sorte de degré zéro du doudou, un doudou beckettien si l’on veut : un muet adjuvant, un bâillon que l’on suce pour ne pas dire la douleur du monde, un être aussi aride qu’il est avide, un compagnon d’infortune qui est la seule chance qu’on possède.
Laurent Albarracin, En attendant Nadeau, 23 novembre 2023Dans ces textes courts alternativement drôles, étranges, épouvantables, l’autrice retranscrit avec brio la relation du jeune enfant au monde, à la fois égocentrée et incertaine, rationnelle et empreinte de pensée magique : flottante.
Pierre Gondran dit Remoux, Sitaudis, 13 février 2024Si le texte est énoncé du point de vue d’un enfant, ce point de vue implique une impossibilité à dire, un silence, autant qu’un effort pour dire selon une logique qui à la fois se heurte à ce silence et s’obstine à l’agencer avec ce qui veut être dit. C’est aussi la violence du monde incarnée dans une expérience qui ne se dit pas, exprimée dans une langue qui exprime sans nommer, sans s’enfermer dans les frontières emprisonnantes du langage adulte, qui traverse Nourrir la pierre. C’est aussi cette dynamique entre deux mouvements liés et contradictoires qui participe à l’étrangeté de ce livre, à sa puissance rare.
Jean-Philippe Cazier, Diacritik, 7 décembre 2023En quarante-quatre fragments inattendus et inquiétants, Nowicka fabrique un atlas miniature où les objets sont perçus par le regard d’un enfant, qui passe du masculin au féminin de texte en texte et cohabite avec père, mère, grand-mère, arrière-grand-mère, interchangeables comme les habits d’une vieille poupée.
Jean-Philippe Rossignol, Le Monde diplomatique, janvier 2024En cherchant à nourrir la pierre « de tout ce qui lui passerait par les sens », l’enfant veut prendre soin de son chagrin.
Juliette Riedler, Collateral, 5 novembre 2024