Levée d’écrou
Une nouvelle fois, Ghérasim Luca nous surprend. Avant la conception par l’auteur de Héros-Limite d’un véritable recueil poétique fait de lettres, cet ensemble a d’abord vraiment été une correspondance, écrite dans les années 50. À l’époque de cette écriture, une amie de Ghérasim Luca envoie au hasard, selon un tirage au sort dont elle est seule à connaître la règle, toutes ces lettres de GL à un inconnu, qui ne pouvait se manifester, ne sachant d’où venait ces mystérieux envois. Cette manifestation poétique concrète achevée, l’ensemble a été, si ce n’est oublié, du moins laissé dans un coin d’une malle.
Quelque dix années plus tard, GL retrouve cette correspondance et la considère comme un véritable recueil à part entière qu’il intitule Levée d’écrou, déjà toute une symbolique. Ce recueil n’avait jamais fait l’objet d’une publication. À l’initiative de Thierry et Nadejda Garrel, qui assurent la présentation de cet « objet poétique » et de Micheline Catti, ce recueil peut, 40 ans après conception, exister.
Presse et librairies
En annulant sa propre identité devant ce lecteur inconnu, cet anonyme si bien « visé » par un jeu littéraire, Ghérasim Luca n’est pas loin, par désincarnation postale successive, de donner involontairement un « manifeste » à l’histoire" de la littérature du XXe siècle qu’Antonin Artaud a inaugurée peu avant en révélant ce double en soi qui préside à la naissance du poème. Ces missives n’ont jamais été adressées au-delà du temps qu’à nous autres lecteurs. Un livre pour redire ce qu’est le pouvoir de la poésie et appeler la poésie au pouvoir.
Marc Blanchet, Le Matricule des Anges N°44Les courtes pages de Levée d’écrou, reprises en reflet et en profondeur par les fac-similés, forment un tout, un objet poétique d’un seul élan, précis et ambigu, incisif et énigmatique.
Jean-Pierre Longre, SitartmagPourrait-on encore refuser la main tendue par Ghérasim Luca ? Comme tous les ouvrages de cet auteur, voici un livre essentiel à qui s’intéresse un tant soit peu à la poésie contemporaine.
BCLF, mai 2003