Les Locaux
Qui sont ces cinq Locaux, qu’est-ce qui les rassemble, les unit, les différencie ? Le domaine du Reposoir où ils sont enfermés est-il une montagne magique, un lieu de cauchemar, un banal hôpital psychiatrique ?
La narratrice, B., celle dont on a réparé le corps cassé en oubliant de soigner l’esprit, est hantée par un écrivain qui lui fait revivre une partie de son passé américain et lui fait écrire d’autres histoires : celle de Yuma, à l’enfance incestueuse, celle de Lucia, obsédée par le fantôme de son amour mort, celle de Bawa, à l’esprit fracassé.
Frédéric Cosmeur quitte ici la forme du trio, qui était celle de son premier récit, Jean, pour se lancer dans ce troublant quintette, fait de glissements successifs, où il laisse au lecteur le soin de reconstituer le puzzle en lui faisant toucher du doigt ce que la réalité peut avoir de morcelée, de floue, d’ambiguë.
Dans cette étrange quête identitaire, les époques, les lieux (l’est et l’ouest) se succèdent à un rythme frénétique. Le récit, servi par une écriture dense et sobre, maintient jusqu’au bout le secret qui unit ces personnages.
Presse et librairies
La vie est un songe, la fiction est une folie. Les Locaux du titre sont aussi bien des personnages que des lieux, qu’il est question d’habiter avec un corps « réparé » mais un « esprit fracassé ».
Libération, 10 mars 2005Je ne saurais dire ce texte autrement que par l’effet qu’il provoque, avec le sentiment très vif que cet effet ne doit rien, ou si peu, aux caprices de la sensibilité, à mes propres facultés de voir, de sentir et de comprendre… tout se passe au contraire comme si la réception des Locaux de Frédéric Cosmeur se trouvait neutralisée au profit d’une lecture absolue, d’une exigence d’empathie que relaie, et que garantit, l’obsédante transparence de voix narratives qui se répondent, s’apostrophent, se manquent.
Philippe Rahmy, remue.netLes Locaux se déroule dans cette double discrétion, d’un centre qui recueillerait ou irradierait, d’un auteur qui souhaiterait ou espérerait donner du sens, signifier quelque chose. Sa force est dans le mouvement invisible et sans ombre d’une ellipse qui se déplace horizontalement d’un chapitre à l’autre, d’une histoire à l’autre, veillant seulement qu’ils et elles adviennent à leur terme sans se briser.
Dominique Dussidour, remue.netCe que ces « locaux » semblent nous dire, travaillés qu’ils sont tous de lumière et de souffrance, à la fois hallucinations de la narratrice mais aussi singulièrement réels, c’est que nous aussi ne sommes que les locataires égarés d’une vie sur laquelle nous n’avons guère prise, un songe nous agit plus que nous ne le vivons.
Lize Braat, La Revue Littéraire, mai 2005