Le Vent Chaule suivi de L’Herbe écrit
Prix Théophile Gautier de l’Académie, 2010
Un jour on s’arrête, saisi par la foison des pistes. On s’arrête au bord de quelque chose. C’est peut-être un mot, c’est peut-être la première lettre d’un mot. Qu’on ne comprends plus. Tant il y a de directions qui s’échappent d’un angle. Les directions ce sont les moments, l’angle c’est ici le deuil avant ses divers seuils. Il y a tant de seuils, tant de moments co-errant qu’une stupidité vous prive de la cohérence apparente d’un récit. Car il est commencé le récit, depuis longtemps. Ce que nous voyons: la broussaille des sensations, analogies, formes… devant.. La broussaille brouille le lien. Les moments se côtoient. Ne se pénètrent pas. Ils vont avec leurs circonstances, chopés par des rythmes, des rythmes qui ne dépendent que des moments, des vents. Je n’ai pas voulu négliger, n’ai pu souvent le dépasser, le premier mot des questions, qu’est-ce ? où ?, ni l’écart vertigineux où voudrait s’inscrire quelque chose si chose savait le faire, ni la butée de toute la pensée sur un mot, donc ou loin; qu’est-ce que loin ? que c’est loin !, ni la détresse nerveuse qui sépare le même, ni l’infinie nostalgie de surgissement du surgi.
Presse et librairies
ll ne s’agit pas de « faire moderne », mais de « S’attacher à la soif non au goût. Tenter tenter ». Le bouillonnement n’est difficile à accepter par le lecteur que s’il veut à tout prix retrouver un ordre du récit — parce qu’il s’aveugle sur l’ordre des choses. « L’irrécupérable est aussi le boulot de la poésie », écrit Caroline Sagot Duvauroux.
Tristan Hordé, Poezibao, 25 novembre 2009« J’entends par vérité l’audace de n’être que là. Non distrait du cours mais chopé quelquefois par un autre cours. Sauter d’un misérable saut, le regard planté, local, où ça bouge. N’être que le sursaut d’une braise dans la fournaise. S’accepter du moindre souffle. refuser la castration d’un mode. S’attacher à la soif non au goût. Tenter tenter. La polyphonie est trop arrangée, trop sublime pour la vérité. Cacophonie va mieux, je suis désolée. L’irrécupérable est aussi le boulot de la poésie. Peut-être faut-il jeter le livre tout de suite. Le laisser aux poches de résistances, à l’état rélictuel que l’on trouve dans les décharges. (p. 108) »
Toute la force vivifiante du travail érudit et sauvage de Caroline Sagot Duvauroux tient à ce «Tenter tenter» qui nous rappelle, qui nous redonne l’impulsion.
Écrivant comme on lâche la meute, Caroline Sagot Duvauroux — qui a goûté « le sel d’œil jusqu’au miel des corolles » — s’attache à « saisir le bestiau dans sa course ». […] Une façon de faire trembler les limites du signe, de désempâter la syntaxe, de réordonner le pouvoir expressif autour de ce que le vivre peut avoir parfois d’étrangement vertigineux et de révélant.
Richard Blin, Le Matricule des Anges n°109, janvier 2010Poésie torrentueuse, effectivement, qui charrie et cascade vivre en de multiples chocs et rebonds de langue autour de quelques pôles dans ce dernier livre : un deuil, le bleu d’Antonello, l’enfance, aimer… Mais cette écriture, indéniablement lyrique dans son mode de propulsion, est en même temps une écriture du manque, d’une très forte angoisse du vide.
Antoine Émaz, Cahier Critique de Poésie, 20 octobre 2010Tout l’or de Caroline Sagot Duvauroux coule dans les pages du Vent chaule et de L’Herbe écrit.
Angèle Paoli, Terres de femmes