Le Livre d’El d’où

Novembre 2012

162 pages

Domaine français

978-2-7143-0972-3

18 €

D’où constitue le premier volet du Livre d’El.
Le Livre d’El déploiera de baie en baie, les langues du passage. Le livre est à venir, toujours, qu’il décompte les morts ou guette au vivant ce qui n’a pas encore parlé, toujours il s’insurge, toujours il relève d’abattage, la langue d’homme. Il n’y a qu’un outil, c’est à, à verbe et adresse. Il faudra perdre le temps pour déployer la géographie de l’instant, le bulbe et le buisson des histoires qu’on raconte et qui reste buisson devant quoi, interdits, nous nous attendons du vent qui passe.

Sur l’avant bras, M. s’était fait tatoué ce signe. Il s’agit du premier mot du premier vers d’un poème, d’où viennent ceux qui viendront avec moi. D’où, que l’officiant a si maladroitement transcrit qu’on lit j’ai autant que d’où. C’est beaucoup d’avoir d’où. Aujourd’hui, un an après la mort de celui qui incarna pour moi la force et la faiblesse d’amour, je sais que j’ai d’où. Que c’est lui. Mais toujours l’écriture s’adresse et c’est à. À, c’est lui, mort parmi tous les morts. Ce n’importe quel mort qui fut mon vivant. À qui j’ai dit toi. À, c’est toujours toi.
Mais toi contient tous les tu du monde. Ainsi les livres s’adressent à tous que la lecture solitaire rend chacun. Le comme un des mortels, c’est toi.
Depuis un an, des révoltes se sont enlisées mais elles furent. Elles sont là, veillant au non-grain. Veillant à qui viendra nous relever de chant. Tous nos livres veillent à la gratuité des nuages.
Tout est à vivre de l’amour, la détresse et la gloire, tout est dénuement jusqu’à l’autre. Pour que l’autre. L’autre c’est celui qui raconte et c’est celui qui écoute.
Faim soif cris, danse danse danse, écrit Arthur Rimbaud
Sinon… ajoutait Pina Bauch.
Caroline Sagot Duvauroux

Caroline Sagot Duvauroux

Peintre et poétesse, (1952 - 2024) a mené à Crest, dans la Drôme, une vie entièrement consacrée à ses deux passions. Elle a publié de nombreux recueils chez divers éditeurs (Unes, Barre parallèle, Ennemis de Paterne Berrichon) et chez Corti. Avec son compagnon Michel Anseaume, elle s’est par railleurs occupée d’un marché du livre consacré aux petits éditeurs. En savoir plus.

Presse et librairies

On ne touche pas les choses dans le mille. On sait qu’au bord seul mille est possible. À la surface étale d’une peau, nudité scellée. À toujours, la question est peau, et la peau déjà s’insinue sur le chemin. À bord de parole, prête à tout, verser par-dessus verbe, El déborde. « à = toi ». Avant le texte, l’adresse délivre ses mathèmes. L’élan vers, c’était toi contenu dans le geste pour aller, comme on dit, de l’avant. Depuis le silence qui préside à l’exclamation de jouissance, aux râles, aux pleurs, aux cris. « À c’est le point. »

Marie de Quatrebarbes, remue.net

De la même façon que la joie amoureuse implique le jeu périlleux, l’écriture de Caroline Sagot Duvauroux implique l’ouverture à l’altérité, à l’inconnu, à tout ce qu’on ignore. « Nous ne sommes si totalement ignorants qu’en écrivant. C’est pour ça qu’il nous faut penser ardemment et cette ardeur écrit. La stupeur suit. C’est la phrase sidérée sur la page. Noyée, immobile, ferme. Patiente. » C’est cette façon d’enfiévrer la langue, d’énerver ses points radiants, d’élever chaque élément du réel à sa puissance d’amour, qui fait la beauté singulière de ce Livre d’El, tout en don, ivresse amoureuse et giclées jouissantes.

Richard Blin, Le Matricule des Anges n° 139, janvier 2013

Ouvrir un livre de Caroline Sagot Duvauroux, c’est se lancer à la rencontre d’une énigme, accepter de « se délivrer de l’étreinte du logos ». Accepter de s’affronter à la multiplicité des formes, des équations déroutantes, des inventions et bifurcations que prend le texte en cours de lecture. Accepter de se laisser dérouter, porter et déporter. Déconcerter.

Angèle Paoli, Terres de femmes

Le Livre d’El d’où se déploie autour de l’absence, celle de l’être aimé, est aussi un livre pour vaincre la douleur de la perte, en même temps qu’il se développe à propos de ce qu’est l’écriture.

Tristan Hordé, Sitaudis

Livre dense, livre tendu, livre sous tension : la mort a ravi l’être cher, celui dont le prénom — Michel — est gangrené, celui qui ne reviendra plus, mais qui a marqué à jamais sa chair d’un fragment de poème, la chair de ce monde, ainsi que la chair d’une femme.

Anne Malaplate, Poezibao