Le Français au Pôle sud
Pour quelles raisons lire aujourd’hui, et prendre plaisir à lire, ce « récit anecdotique » dont Charcot lui-même nous dit malicieusement dans l’Avant-propos qu’il n’a « aucune prétention littéraire » ? Cent ans après son édition, et soixante-dix ans après la mort de son célèbre auteur, Le Français au Pôle Sud de Jean-Baptiste Charcot pourrait bien être l’un de nos plus grands livres d’aventure. Le « Journal de l’expédition antarctique française, 1903-1905 » offre un concentré d’une rare densité de l’état scientifique de l’époque fin de siècle, et un des plus étonnants et des plus romanesques récits de voyage de l’ère symboliste.
L’ouvrage est bâti en trois parties. Le « Journal », pure œuvre littéraire, en est le centre. Il est ourlé d’une solide Introduction qui donne tous les éléments historiques du contexte de l’expédition, puis de longues annexes. Quand Charcot, dans l’avant-propos, déclare que l’expédition est « essentiellement scientifique », cela signifie qu’il y a autre chose derrière ce prétexte, et que l’essentiel est décidément ailleurs.
Cartographier l’inconnu est l’objectif du Français : la science se nourrit du mystère, comme dans les romans de Jules Verne. Mais, ici, l’auteur vit son voyage dans le champ de la réalité. Il va à la source réelle de l’inconnu. Cette source, c’est le continent blanc, les « Terra Incognita Australis » dont parle Buffon, « cette partie du globe égale au sixième des continents reconnus » dont le Capitaine Nemo devint le maître un 21 mars 1868.
Charcot entreprend la première expédition française dans les mers antarctiques, retrouvant en cela un esprit de découverte délaissé depuis les expéditions australes de Dumont d’Urville en 1838-1840. Il s’agira du premier hivernage français dans les glaces australes, cinq ans seulement après le Belge Gerlache de Gomery, auteur du premier hivernage jamais réalisé.
Le récit de voyage conte tout autant qu’une expédition « essentiellement scientifique » une aventure intérieure et métaphysique.
Presse et librairies
L’aventurier français explora les glaces, leurs monts et leurs merveilles avant de disparaître à bord du « Pourquoi pas ? ». Jean Giono trouva à ses récits un goût d’absolu.
Éric Dussert, Le Matricule des Anges n°78Une aventure à la fois spirituelle et collective.
Daniel Morvan, Ouest France, 16 octobre 2006Il y a un siècle, Jean-Baptiste Charcot remettait à Ernest Flammarion le journal de l’expédition la plus poussée que la France ait jamais envoyée en Antarctique.
Charlie Buffet, Le Monde, 1er décembre 2006Quelle force soutient son entreprise ? Est-ce la passion scientifique ? Le souvenir des songes de l’enfance ? L’orgueil de faire de la France un des grands acteurs de la découverte des pôles ? Une énergie enfin, inépuisable et pourtant étrange car elle est soutenue d’un acquiescement aux fatalités ? Ce n’est pas un hasard si apparaissent déjà, dans le journal de 1906, les deux mots qui donneront son nom, bien plus tard, à un autre bateau: « Pourquoi Pas ?», ce « Pourquoi pas ? » dans lequel Charcot va mourir au pôle nord en 1936 ?
Gilles Lapouge, Quinzaine littéraire n° 938, 16 au 31 janvier 2007