Justice sanglante
Traduction de Roger Kann.
The avenger est publiée en 1838 dans le Blackwood magazine ; poursuivi par ses créanciers aux abois, Thomas De Quincey explique à Blackwood qu’il a perdu deux jours à chercher un endroit où pouvoir écrire. Ce texte échappe totalement à l’attention des critiques tant anglais qu’étrangers, même s’il est repris dans les Œuvres complètes publiées par Masson.
On le trouve mentionné dans l’essai de Messac sur le Detective Novel comme une préfiguration du roman policier, notamment par le problème du local clos qui annonce Double assassinat dans la rue Morgue d’Edgar Poe. Grevel Lindop, dans sa magistrale biographie, atteste qu’il s’agit bel et bien d’une œuvre de De Quincey. Inconnue, passée inaperçue des traducteurs, sans doute parce que d’un volume réduit, elle se révèle pourtant l’un des textes les plus fulgurants de De Quincey et illustre peut-être le mieux la prescience, la voyance de l’opiomane anglais.
Nous ne savons pas si l’auteur a tiré son récit d’un fait divers ou d’une intuition. Mais dans cette terrible histoire de vengeance, le mécanisme, les ressorts du drame de cet ancêtre du roman policier sont l’anticipation terrible de ce que sera la Shoah. L’intérêt se concentre non seulement sur une série de crimes mais aussi autour du mystère qui les entoure. Une petite ville allemande est mise en émoi par des meurtres aux circonstances bizarres : les victimes sont presque toutes des personnes âgées, et on ne vole rien. La police multiplie les enquêtes mais ne découvre aucun indice.
Nous n’en révélerons pas davantage. Si l’intérêt du récit va bien au-delà de l’intrigue, il importe de laisser au lecteur le soin de découvrir lui-même qui est coupable, et ce qu’est cette Justice sanglante.