Des détritus, des déchets, de l'abject
Une philosophie écologique
Construire, selon la formule de François Dagognet, « une philosophie de la poubelle », c’est d’abord fouiller joyeusement les poubelles de la philosophie. Des pierres aux matières grasses, des déchets aux poussières, de la tache au déchiqueté, c’est se tourner vers des matières ou des êtres habituellement négligés voire méprisés. C’est poursuivre le geste d’une matériologie qui explore, dans leur diversité, toutes les matières et en révèle la beauté : le caillou démuni, le galet qui se laisse porter de plage en plage, le papier usé, le gras, la miette, le tas informe… C’est aussi lutter contre « le clivage du spirituel et du physique » et ainsi « contre une plus grave injustice, l’inacceptable domination de ceux qui se jugent supérieurs. » C’est sortir enfin de réflexes moraux qui hiérarchisent a priori.
Tel est le territoire délaissé qu’explore ce livre paru pour la première fois en 1997. En portant son regard sur le plus démuni, le plus abandonné, François Dagognet y jette les bases d’une philosophie écologique aussi subversive que réjouissante.
Presse et librairies
Dagognet, issu d’un milieu modeste et en sympathie avec « les plus démunis de notre monde », inaugure son « abjectologie » par deux chapitres passionnants: « Le gras et la graisse » et « Les cailloux », injustement méprisés. Au passage, on s’instruit sur le fromage, le vin, le saindoux, les bitumes, la colle de poisson. Ou sur « la crasse » – une catégorie du gras, témoin l’étymologie – comme protection gratuite et 100 % bio contre les coups de soleil.
Jérôme Delclos, Le Matricule des Anges n° 262, avril 2025[…] Revaloriser ce qui est dévalorisé, le penser à partir d’un tout dont il ferait partie peut concerner, par-delà le simple objet, les vies et formes de vie humaines, peut-être non humaines, qui constituent pour le regard commun une périphérie négligeable, voire nuisible, en tout cas une réalité moins valable.
Jean-Philippe Cazier, Diacritik, 10 mars 2025