En bref, paysage
Pour Pierre Chappuis, l’acte poétique – auquel il associe l’acte de lire le poème – est « un travail en profondeur, dans la solitude, celle d’un gardien de phare. Rien d’un repli lyrique non plus que d’une concentration égoïste… » Ce refus du « repli lyrique », n’est pas d’abord, ou pas essentiellement, un choix moral, mais une voie d’accès à ce qui est plus large et profond, plus désirable surtout, que le moi. Reprenant à son compte cette volonté, exprimée par Pierre Reverdy, de « fixer le lyrisme de la réalité », Chappuis attend du poème qu’il se « laisse écrire », non par quelque magie ou hallucination, mais par la « force et la vertu des mots vivants ».
Les poèmes de Chappuis, « tout à la fois compacts et disséminés », sont donc toujours brefs, lacunaires, ménageant dans ce but de l’espace autour des mots, recourant souvent aux incises ou parenthèses. Sa tentative de saisie du paysage est moins appropriation qu’invention. A ce propos, il reprend les mots d’Amiel : « Un paysage quelconque est un état de l’âme ».
Patrick Kéchichian
Presse et librairies
Les fragments de Pierre Chappuis, obstinément, s’attachent à ce qui semble naître, se détacher du paysage et finir en se confondant avec le reste du paysage. Ce sont des points, des lignes légères, des reflets, des saillances qui se dessinent patiemment, déjà proches d’être perdus. Ils viennent pourtant de la profondeur de la mémoire.
Antoine Bertot, Poezibao, 27 janvier 2022