Distance aveugle précédé de L’Invisible parole
L’Invisible parole (1977), dans la familiarité de quelques tableaux et œuvres d’art, Distance aveugle (1974) dans celle des lieux les plus proches. En dépit de la différence de propos, une même insertion dans la langue réunit les deux œuvres, revues pour la présente édition.
L’enfant au toton de Chardin, L’homme au verre de vin (école de Fouquet), La sibylle Sambetha de Memlinc, entre autres, ou l’Homère de Rembrandt : autant de figures portant notre attente au plus haut (malgré leur discrétion), visages muets, non fermés qui, s’adressant à nous, semblent aussi s’appeler entre eux pour dérouler une histoire secrète où reconnaître sans la résoudre l’énigme de chacun de nous comme le font, aussi bien, certains paysages.
Soudain l’étendue est nôtre, la distance, abolie, ne nous sépare plus de ce que nous voyons ou entendons ; moments à la fois uniques et ressemblants, liés à d’autres par un jeu d’associations que ne contrôle que partiellement la mémoire de même que (à en juger après coup) la phrase elle-même, déliée, à claire-voie, permet ou devrait permettre, à travers la première, l’infiltration d’une seconde voix, ou peut-être la même, mais plus elliptique, primesautière, sporadique.
Un poème, L’été, lentement, qui de très loin se souvient d’un paysage de Gainsborough, fait le lien entre les deux ensembles.
P. Ch.