Journal ironique d’une rivalité amoureuse
Ce journal est tenu par un homme encore jeune, coursier de son état, en concurrence avec son ami Vasco pour séduire Cymbeline, la fille qui habite au-dessus de chez lui. Séducteur maladroit et exagérément imaginatif, il fait de cette rivalité un prétexte pour satisfaire son penchant à l’ironie et son goût de la dérision souriante. Il a pour confidents de ses humeurs monsieur Tho, un cordonnier vietnamien qui parle à peine français, Djahid, un jeune « sans papiers », coursier le plus rapide de Paris, un vieux lion du zoo de Vincennes et un chat errant.
Mélange d’humour et de mélancolie existentielle, ce livre donne au monde un air poétique, un peu désabusé, à mi-chemin entre le sentiment d’irréalité illustré par un Fernando Pessoa et la fausse ingénuité d’un Robert Walser.
Presse et librairies
S’il sait glisser dans tous ses textes la pointe subtile qui en rend la lecture si drôle, Georges Picard n’est pas un chantre du sarcasme. Certes, son ironie fustige au détour d’une phrase la misère contemporaine et prend en aversion le confort de tout définition (il était l’auteur d’un De la connerie, en 2004). Quand il semble rire, c’est en recourant à cet ironique « sourire de la raison », toujours teinté d’indolence et de sympathie pour ce qu’il fustige. L’ironie picardienne n’est pas celle de Socrate, c’est celle de Jankélévitch, elle caresse ce qu’elle moque, elle « sépare et elle réuni(t) », elle est diastole et systole, à l’image de son héros transi de désir, à la fois médiocre et sublime lorsque sa grisaille douillette de bureaucrate s’illumine de velléités héroïques.
Étienne Leterrier, Le Matricule des Anges, novembre-décembre 2009