Enquête sur l’évolution littéraire
Préface et notices de Daniel Grojnowski
L’enquête sur « l’évolution littéraire » de Jules Huret a paru dans L’Écho de Paris, de mars à juillet 1891. Elle assemble les écrivains en camp adverses et dessine les contours d’un certain nombre d’« écoles », tout en donnant à chacun l’occasion de proclamer son individualité.
Semaine après semaine, une soixantaine de romanciers, de poètes ou de critiques prennent la parole : A. France, M. Barrès, E. de Goncourt, J.-K. Huysmans, Leconte de Lisle, M. Maeterlinck, G. de Maupassant, O. Mirbeau, P. Verlaine. Le grand public a l’occasion de découvrir des inconnus comme R. Ghil, R. de Gourmont, Ch. Morice, J. Péladan ou Saint-Pol Roux, qui sont traités à égalité avec les chefs de file, Zola et Mallarmé.
Par la technique, alors toute nouvelle, de l’interview, Huet impose les règles d’un mode nouveau de communication. Donnant, donnant : si les écrivains ont la possibilité de proposer leur image d’auteur au public le plus large, ils sont tenus d’accepter le protocole du journaliste. Ils admettent la loi de l’évolution darwinienne qui les incite à une impitoyable « lutte pour le succès ».
Au regard des contemporains de Jacques Chancel, de Bernard Pivot, de Bernard Rapp, le fait mérite de retenir l’attention. Car l’interviewer occupe le devant de la scène, aux dépens de l’écrivain qui, soucieux d’être « mis en média », tombe sous sa coupe.
Avec Jules Huret advient le temps des médiateurs.